L’édito de la semaine, le 31 Décembre 2023

Commentaire de l’Evangile du Jour (31 Décembre 2023, Fête de la Sainte Famille) de l’Abbé Thierry Delumeau :

« Voici que cet enfant provoquera la chute et le relèvement de beaucoup en Israël. Il sera un signe de contradiction – et toi, ton âme sera traversée d’un glaive – : ainsi seront dévoilées les pensées qui viennent du cœur d’un grand nombre. » (Lc 2,34-35) prophétise Syméon à Marie, la mère de Jésus. Cette prophétie de saint Syméon révèle la profondeur du mystère de l’union des deux coeurs de Jésus et Marie, de sorte que l’on n’en trouve pas de plus grande, hormis, bien sûr, celle de l’union des personnes de la Sainte Trinité et celle de l’union des deux natures (divine et humaine) dans la personne du Fils de Dieu. 

D’une part, ce mystère est tel, que Syméon, par sa prophétie, met en lumière que Dieu s’impose seulement à l’homme par la douceur d’un amour choisi librement. De fait, le signe de contradiction, qui conduit à la chute et le relèvement des hommes, ainsi que l’âme de la Vierge Marie transpercée d’un glaive, a pour conséquence le dévoilement des pensées qui viennent du coeur, dit Syméon. Autrement dit, la puissance rédemptrice de cet enfant est telle que rien ne peut l’arrêter si ce n’est le choix libre et délibéré des coeurs des hommes. C’est cela le signe de contradiction : Dieu opère le salut à la mesure du « oui » des coeurs. C’est là, dans les coeurs, que tout se passe ; c’est là que la puissance de la rédemption de Dieu opère ; c’est là que s’exprime la vraie liberté : choisir librement l’accueil du don de Dieu. C’est dire le profond respect que Dieu a pour sa créature, créée à son image et à sa ressemblance, de sorte que la vérité ne peut s’imposer à elle que par l’amour. Ainsi, l’usage pour l’homme des deux facultés intelligence et volonté est absolument crucial pour que Dieu puisse opérer le salut. Or, pour sauver l’homme, Dieu a choisi l’Incarnation, la venue dans la chair, passant nécessairement par un « oui » d’une mère pour que le « oui » des coeurs puisse se réaliser. Nous sommes devant le mystère même de la Sainte Famille : une mère qui dit « oui » à Dieu pour accueillir en son sein le Fils éternel du Père et le « oui » de saint Joseph qui à l’appel en songe de l’ange prend la mère et l’enfant chez lui. Et pour bien marquer, que ce n’est pas le fruit de leur pensée, ce sont la visite et le songe de l’ange du Seigneur qui sont sollicités pour recueillir le « oui » de ces deux coeurs, afin que s’accomplisse le mystère. Aussi, la faiblesse et la dépendance de l’enfant, d’un bébé, qui n’est autre que le divin Fils du Père, entre les mains de deux fragiles créatures, révèlent d’autant plus la nécessité de la quête du « oui » de l’homme au projet de Dieu. En conséquence, on peut saisir quelque peu le caractère inouï du mystère de Dieu, lui le Tout-Puissant, se mettre en recherche du « oui » des hommes, non seulement pour accueillir le salut, mais aussi pour permettre même qu’il puisse se réaliser. Oui, c’est tout bonnement inouï de voir la puissance divine ne cherchant à s’imposer que par la douceur de l’amour. C’est le grand mystère qui habite la Sainte Famille : un « oui » de chaque instant à la profondeur d’un amour divin qui ne se fait connaître à l’homme qu’à cette seule condition. Ainsi, la prophétie de Syméon « ainsi seront dévoilées les pensées qui viennent du cœur d’un grand nombre » (Lc 2,35) met en lumière que ce sont les coeurs, d’où jaillissent les pensées, qui sont l’expression même de la réponse à l’opération divine du salut.

D’autre part, la prophétie de Syméon met l’accent sur le mystère de l’âme de Marie traversée par un glaive. Il met en lumière le rôle incontournable que Dieu a voulu pour Marie. Non seulement, elle est la mère du Sauveur, qui fut possible par le « oui » donné à l’ange Gabriel, mais aussi parce que son coeur traversé par le glaive de douleur est la réponse du « oui » de Marie à la demande de son Fils sur la Croix quelques instants plus tôt, avant même qu’il meurt, « Femme, voici ton Fils » (Jn 19,26). Ce « oui » traduit non plus seulement la réponse pour être la mère du Sauveur, ce qui a été fait 33 ans plus tôt, mais bien d’être la mère de son disciple saint Jean et à travers lui de tous les disciples, et donc de tous les hommes qui se mettent en chemin pour accueillir le don de Dieu. Aussi, cette parole que Jésus adressa à sa mère se fit lorsqu’il était crucifié, quelques instants avant de rendre son souffle, quelques instants avant d’accomplir le mystère du salut. Certes, Marie allait se retrouver seule, veuve et sans fils et donc sans moyen de subsistance, mais si ce n’était que pour cela, saint Jean n’aurait pas pris le soin de préciser dans son Evangile quelque chose qui ne soit pas un mystère. Ainsi, Jésus confie la mission à sa mère d’engendrer les hommes dans le « oui » de l’accueil de la grâce. Une mère engendre, met au monde, non seulement physiquement, mais aussi dans l’éducation de l’enfant à la vie et donc à plus forte raison dans l’éducation spirituelle, là où le but essentiel de la vie est donné. L’experte du « oui », se voit attribuer ce rôle de conduire les âmes au « oui » de la grâce, précisément là où elle est donnée, à la Croix, là où le Christ, de par son coeur ouvert par la lance, laisse s’échapper le flot ininterrompu de la grâce divine de la Miséricorde, de la rédemption. En conséquence, nous mesurons quelque peu le mystère de la Mère de Dieu, que nous fêtons à l’aube de l’année nouvelle, le 1er Janvier, qui devient aussi la Mère de l’Eglise, la Mère des hommes, la Reine de l’univers, celle par qui tout fut possible parce que Dieu l’a voulu ainsi, mais aussi par qui nous pouvons plus facilement et plus sûrement emprunter le chemin du ciel, le chemin du « oui » parce que Dieu l’a voulu. Aussi, nous pouvons méditer ce que disait la Vierge Marie à la petite Lucie à Fatima le 13 Juin 1917, et ainsi recourir avec ardeur à cette mère qui nous y invite elle-même à le faire : « Mon Cœur Immaculé sera ton refuge et le chemin qui te conduira jusqu’à Dieu. »

Voeux :

Chers amis, en cette année au cours de laquelle nous fêterons le 170ème anniversaire de la proclamation du dogme de l’Immaculée Conception par le pape Bienheureux Pie IX le 8 Décembre 1854, je vous souhaite une sainte année 2024, dans la recherche, avec l’intercession de notre Mère du ciel, ce vers quoi notre foi nous conduit à chercher : Dieu, sa présence dans notre vie. Comme elle l’a révélé à Fatima aux petits pastoureaux, son Coeur Immaculé est notre refuge et notre soutien qui nous conduit à Dieu. En ces temps si difficiles, où la misère, à tout point de vue, ne cesse de gangréner le monde, où Dieu semble absent parce que les coeurs ne connaissent pas le « oui » à la grâce, l’espérance est, pour les chrétiens, la vertu à cultiver, le message que le monde a besoin d’entendre. Je vous souhaite à tous d’être ces porteurs de l’espérance. Que Dieu vous bénisse et que la Vierge Marie vous garde et vous protège !

Abbé Thierry Delumeau.

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