L’édito de la semaine, le 26 Novembre 2023

Commentaire de l’Evangile du Jour (26 Novembre 2023, Notre Seigneur Jésus Christ, Roi de l’univers) de l’Abbé Thierry Delumeau :

« Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. » (Mt 25,40) dit Jésus à ses disciples. C’est la conséquence même de ce qu’est le Royaume de Dieu, qui n’a rien à voir avec ceux d’ici-bas. On peut établir principalement deux choses qui distinguent le Royaume de Dieu de tout royaume terrestre.

La première chose, le Royaume de Dieu ne connaîtra ni fin, ni échec, ni aucune imperfection, contrairement à tous ceux de ce monde. Effectivement, quelles que soient la puissance et la grandeur de ceux d’ici-bas, un jour, ils sont marqués par les imperfections, connaissent des échecs et de toute façon disparaissent tôt ou tard. Or, celui de Dieu, étant parfait, ne souffre d’aucune imperfection, car tous règnent  éternellement avec le Roi, le Christ, qui remet tout entre les mains de son Père. Pas un seul sujet n’entre en contradiction avec son Roi. Au contraire, tous sont animés de l’amour du Roi.

La seconde chose, c’est que précisément le Roi règne non pas sur des sujets, qui doivent obéir au doigt et à l’oeil comme des subordonnés obéissent à leur supérieur, mais règne dans les coeurs. Pour être plus précis, le Roi règne par son amour dans les coeurs, qui en sont imprégnés de sorte que tous trouvent un bonheur infini dans l’amour infini du Roi. Aussi, le désir du Roi devient naturellement le désir de chacun et ainsi toute action en faveur de qui que ce soit n’est autre qu’une action en faveur du Roi. On retrouve ainsi l’affirmation de Jésus : « Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. » (Mt 25,40). 

On mesure que la différence entre le Royaume du Christ et ceux de cette terre est fondamentale pour ne pas dire que ces royaumes sont inconciliables. De fait, depuis l’avènement du péché, la conception du bonheur sur cette terre tourne avant tout autour de soi. C’est la grâce de Dieu qui permet d’entrevoir un bonheur bien plus parfait, centré non plus sur soi, mais bien sur Dieu, duquel tout bonheur réel provient. De fait, la source ne peut être que divine, car qui dit bonheur, dit perfection, sinon ce n’est qu’une image tronquée du bonheur. Or, qui est parfait en dehors de Dieu ? personne. La problématique pour l’homme sans la grâce, c’est que Dieu entre en concurrence avec lui. Rappelons-nous le mensonge de Satan à Adam et Eve : « Vous serez comme des dieux qui connaissent le bien et le mal. » (Gn 3,5). Si je suis mon propre dieu, je ne peux supporter Dieu, d’où le caractère inconcevable d’un bonheur divin qui serait mon propre bonheur, même si en réfléchissant bien, un bonheur sans Dieu et les autres est de toute façon purement factice, puisque comment concevoir un vrai bonheur personnel, si je n’ai cure du reste de l’humanité avec laquelle je vis ? Au contraire, avec la grâce, la vérité éclaire le mystère : le bonheur ne peut être réduit à ma personne. Il concerne tous, puisque le bonheur ne se résume pas à l’amour de soi, mais à l’amour de Dieu embrassant l’amour de l’humanité. Autrement dit, le bonheur du Roi de l’univers embrasse celui du Roi et de ses sujets, lesquels partagent pleinement, chacun à son propre niveau, le bonheur du Roi. On est donc très loin du désastre de ce que le monde sans Dieu est en train d’établir et d’ériger comme vérité : l’homme sans Dieu serait la panacée d’un vrai bonheur de l’homme. Au contraire, l’illusion d’un tel bonheur laisse place à un enfer. L’actualité ne nous le montre-t-elle pas suffisamment ? Chacun tire la couverture à soi, ce qui conduit à faire monter rancœurs, injustices et violences. Où est donc la libération de l’homme, que la science et les philosophies des lumières promettaient ? N’ont-elles pas laissées l’homme dans un désarroi de solitude, de souffrance et d’aigreur, parce qu’il ne veut pas se reconnaître frère de son prochain, puisqu’il a tué le Père dans son coeur, après l’avoir évacué de sa pensée et de sa prière ? De fait, comment se reconnaître frères, s’il n’y a plus de père ? L’Evangile de ce dimanche ne rappelle-t-il pas l’essence même de l’humanité : tous frères en notre frère Jésus, car aimés du même père, qui est notre Père ? Or, le Père a envoyé son Fils pour être notre frère en sortant l’homme de la solitude du péché après en avoir payé la note bien salée pour qu’à tous la miséricorde fut faite. Ainsi, la royauté du Christ n’est pas étrangère à notre royauté : nous devenons rois avec le Roi, qui nous a donné sa mère, la Vierge Marie, pour être notre mère. Oui, Jésus a tout donné : sa vie en plénitude à partager dans une étreinte éternelle et une mère pour nous porter dans nos tribulations d’ici-bas, comme une mère porte son nourrisson. C’est elle qui nous aide à comprendre en profondeur son Fils bien-aimé. C’est bien dans son « Oui » de l’Annonciation que s’inscrit notre « oui » de chaque jour. Il en est ainsi, puisque Dieu ne fait jamais sans l’homme, mais bien toujours avec lui. Que Dieu règne dans nos coeurs ! 

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