L’édito de la semaine, le 24 Mars 2024

Commentaire de l’Evangile du Jour (24 Mars 2024, Dimanche des Rameaux et de la Passion du Seigneur) de l’Abbé Thierry Delumeau :

« Hosanna ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Béni soit le Règne qui vient, celui de David, notre père. Hosanna au plus haut des cieux ! » (Mc 11,9-10) acclame la foule qui voit Jésus monté sur un petit âne entrant dans Jérusalem. Cette même foule criera six jours plus tard : « Crucifie-le ! » (Mc 15,13.14). La foule qui acclame son roi, la voilà, qui réclame sa mort quelques jours plus tard. Ce dimanche des Rameaux est l’entrée dans la semaine sainte, la grande semaine, lors de laquelle le Roi des juifs acclamé montera sur son trône pour instaurer son royaume dans les coeurs par le don de sa vie. La foule déchaînée ne pouvait mieux prophétiser que « Crucifie-le ! », puisque c’est dans la crucifixion, que Jésus va offrir sa vie. Autrement dit, il va vaincre le royaume du prince des ténèbres dans sa propre mort, qui devient pour le coup non pas une mise à mort, mais bien un don de sa vie, une victoire sur la mort et le péché. C’est donc par l’acte de sa mort offerte que Jésus va régner dans les âmes et va donner la vie éternelle à tous ceux qui l’accueillent. Ainsi, sa mort n’est pas un échec, mais plutôt l’occasion de révéler à la face du monde que mourir sur la Croix lui permet d’attirer à lui tous les hommes : « Elevé de terre, j’attirerai tous les hommes à moi. » (Jn 12,32). C’est de cette Croix, lui élevé de terre, que tous viennent à lui. C’est donc de ce trône que par une surabondance d’amour, Jésus est à même de réparer l’offense faite à Dieu à cause du péché, mais aussi de faire jaillir de son coeur transpercé l’incommensurable abondance de sa miséricorde divine, la plus grande chose que Dieu puisse faire. L’évènement tragique de la Croix, face visible du mystère du salut, va devenir le plus grand moment de l’histoire de l’humanité, car c’est l’instant suprême où la puissance divine s’exprime par le don de la Miséricorde pour élever l’homme jusqu’à lui faire partager son éternité. C’est, bien sûr, la face cachée du mystère du salut aux yeux du monde, mais connue pour ceux qui sont habités par la foi. 

Cette semaine, qui conduira au matin de Pâques par le triomphe de la Résurrection, Jésus va préparer ses Apôtres par le partage du repas pascal, le jeudi saint, au cours duquel il instaura le sacrement de l’Eucharistie et celui de l’ordre, tout en rappelant, par le lavement des pieds de ses disciples, l’attitude qu’il va vivre dans sa Croix : le service, son sacerdoce, autrement dit le don de sa vie. Puis, le soir, au Jardin des Oliviers, il va vivre son agonie terrifiante en présence des trois mêmes Apôtres qui ont vécu sa Transfiguration, avant d’être arrêté et conduit devant Ponce Pilate pour le faire condamner à mort pour des motifs politiques : « Celui-ci l’interrogea : « Es-tu le roi des Juifs ? » Jésus répondit : « C’est toi-même qui le dis. » (Jn 15,2). Il ne pouvait mieux dire, puisque c’est de sa Croix qu’il devient non seulement le Roi des Juifs, mais aussi le Roi de l’Univers. Sur sa Croix, il donnera sa mère à son Apôtre saint Jean : « Femme, voici ton fils… Fils, voici ta mère. » (Jn 19,26-27) et accordera le salut au bon larron : « Aujourd’hui, tu seras avec moi dans le paradis ! » (Lc 23,43). Dans un dernier cri : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Mt 27,46 ; Mc 15,34) ; « Père entre tes mains je remets mon esprit. » (Lc 23,46), « Tout est accompli. » (Jn 19,30), Jésus rendit son esprit. Son âme humaine, submergée par la profondeur  inouïe et indicible des ténèbres des péchés des hommes qui se sont abattus sur lui, alors que lui est sans péché, livre un dernier cri : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » selon saint Mathieu et saint Marc (Mt 27,46 ; Mc 15,34), qui est l’expression même de ce qu’est le péché : l’éloignement de Dieu de telle sorte qu’elle procure à l’âme de Jésus, prenant sur lui tous les péchés des hommes de tous les temps, alors que lui n’est qu’amour du Père, le sentiment dans son âme comme d’un abandon du Père. Saint Paul dira très justement : « Celui qui n’a pas connu le péché, Dieu l’a pour nous identifié au péché, afin qu’en lui nous devenions justes de la justice même de Dieu. » (2 CO 5,21). Il a payé de l’offrande de sa vie le prix, que lui seul pouvait payer, pour racheter les hommes des affres des ténèbres pour lesquelles ils étaient voués. Ainsi, la mission accomplie, Jésus rend son esprit. Le grand silence du samedi saint, est le temps du repos de son corps au tombeau et de la descente de son âme humaine dans le sein d’Abraham, le Shéol, le séjour des morts, là où les âmes des justes, d’Adam jusqu’au bon larron, attendent le règne de Dieu pour entrer dans le paradis. De grand matin, le dimanche de Pâques, en allant au tombeau, Marie Madeleine trouvera le tombeau vide, là où saint Jean dira de lui-même : « Il vit et il crut ». (Jn 20,8). 

Dans le secret de son coeur, la Vierge Marie, s’est unie profondément, comme personne ne le put, au Coeur sacré de son divin Fils. Son Coeur immaculé rayonnait de l’abondance de la Miséricorde divine. Demandons-lui, que nous puissions entrer dans cette semaine sainte avec l’aide de sa prière d’intercession, afin que nous puissions vivre, comme elle, à notre niveau, le secret des profondeurs de la richesse du mystère du salut.

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