L’édito de la semaine, le 1er Mai 2022

Commentaire de l’Evangile du Jour (1er Mai 2022 3ème Dimanche de Pâques) de l’Abbé Thierry Delumeau :

« Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? » (Jn 21,17). Jésus pose trois fois la même question à Pierre, en raison de son triple reniement lors de l’arrestation de Jésus. A la troisième fois, il est embarrassé, car il se souvient amèrement de sa trahison. Cependant, dans son coeur, il ne peut que confesser son amour : « Seigneur, toi, tu sais tout : tu sais bien que je t’aime. » (Jn 21,17). A cette même réponse aux trois mêmes questions que Jésus lui pose, Jésus lui confie son troupeau : « Sois le berger de mes brebis. » (Jn 21,17). Sur la confession de son amour pour lui, Jésus confie, rien moins que cela, son troupeau, son Eglise. Il en fait le pasteur, le berger de son Eglise. On peut être surpris que sur une simple parole d’amour professée, Jésus puisse confier à Pierre une telle responsabilité. Il ne lui demande pas de gages, un diplôme de compétence, des garanties, que nous les hommes nous exigerions pour confier une telle responsabilité à quelqu’un. Il ne lui demande que de confesser son amour. Tout repose sur l’amour. La gouvernance de la sainte Eglise de Dieu repose sur la confession d’amour de Pierre. Comment comprendre cela ? La Croix ne repose t-elle pas sur un acte d’amour ? Le pardon, la miséricorde de Jésus qu’il déverse sur le monde ne reposent-t-ils pas sur un acte d’amour ? Au final, le salut des hommes n’est-il pas un acte d’amour ? La naissance de la sainte Eglise du Christ n’est-elle pas un acte d’amour ? Ne jaillit-elle pas du côté transpercé de Jésus, de son coeur, siège même de l’amour ? Tout est amour : la création, l’incarnation, la rédemption, la résurrection et la vie éternelle. Or, l’amour n’est pas sans exigence. Elle demande une fidélité, un abandon, une confiance en Dieu, sans laquelle la mission devient stérile. La pêche que Pierre et ses compagnons vont opérer juste avant n’en est-elle pas la plus belle illustration ? Toute la nuit, Pierre et ses compagnons sillonnent la mer sans rien prendre, et voilà que Jésus, qu’ils ne reconnaissent pas, au petit matin, sur la berge, dit aux disciples de jeter le filet à droite. Sans discuter, « ils jetèrent donc le filet, et cette fois ils n’arrivaient pas à le tirer, tellement il y avait de poissons. » (Jn 21,6). « Alors, le disciple que Jésus aimait dit à Pierre : « C’est le Seigneur ! » (Jn 21,7). Jean, le plus proche de Jésus, reconnait aussitôt le Seigneur. Pour lui, cette pêche ne peut venir que du Seigneur. Son action est en quelque sorte palpable. Jésus leur enseigne en acte, que sans lui, ils ne peuvent rien faire, comme il le leur a dit avant sa mort lorsqu’il les enseignait : « Sans moi, vous ne pouvez rien faire. » (Jn 15,5). C’est pour nous un enseignement d’une importance capitale. Jésus, au coeur de notre vie, nous conduit aux portes de la vie éternelle. L’homme ne peut pas compter seulement sur ses simples forces ; elles ne lui servent à rien sans la grâce. Le chrétien, bien que les pieds sur terre, a la tête dans le ciel pour donner sens à ses pas sur terre. Il ne peut pas vivre schizophrène en séparant, en compartimentant sa vie. La foi éclaire le sens de sa vie, de ses actions, aussi bénignes soient-elles, de ses relations. Le sens de sa vie, de ses choix sont marqués par sa foi. L’attitude de Jean est parlante : la pêche miraculeuse est pour lui, sans l’ombre d’un doute, l’action de Dieu dans sa vie, conjuguée bien sûr avec son action. Dieu ainsi vit en lui et non pas seulement de manière notionnelle, intellectuelle ou bien encore compartimentée lorsqu’il se rend à l’église. Il ne s’agit pas tant de crier Dieu sur les toits que de vivre de sa présence au quotidien. C’est par cette présence au quotidien, au coeur de nos vies, que nous témoignons de l’Evangile dans un monde qui ne connait pas Dieu. Jésus nous fait entrer dans le monde des coeurs, là où tout se joue, notre salut et celui de nos frères. C’est ce monde des coeurs, où Dieu seul a accès avec l’âme elle-même, que Dieu établit son règne, souvent invisible mais bien réel. N’oublions pas, c’est à la Croix, devant quelques disciples, dont la Vierge Marie et quelques autres femmes, et le seul apôtre saint Jean que Jésus a inauguré son règne par son coeur transpercé, une fois mort, lorsque tout paraissait être un échec cuisant. La puissance de Dieu se révèle lorsque les hommes la prenne pour une faiblesse. La Vierge Marie partagea pleinement la réalité du mystère de la grâce, dans ce cri de douleur traversant son coeur. En elle, nous avons le soutien au quotidien pour que nos vies s’imprègnent de la grâce de Dieu.

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