L’édito de la semaine, le 7 Janvier 2024

Commentaire de l’Evangile du Jour (7 Janvier 2024, L’Epiphanie du Seigneur) de l’Abbé Thierry Delumeau :

« Ils entrèrent dans la maison, ils virent l’enfant avec Marie sa mère ; et, tombant à ses pieds, ils se prosternèrent devant lui. Ils ouvrirent leurs coffrets, et lui offrirent leurs présents : de l’or, de l’encens et de la myrrhe. » (Mt 2,11). Les mages viennent se prosterner devant l’enfant de la crèche, telle est la raison qu’ils donnent de leur venue aux habitants de Jérusalem : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu son étoile à l’orient et nous sommes venus nous prosterner devant lui. » (Mt 2,2). Il n’y a aucun doute possible dans leur coeur : cet enfant est Dieu, car ils viennent se prosterner devant lui et l’on ne se prosterne dans l’antiquité que devant celui que l’on considère comme un dieu, et là, il s’agit du Dieu unique. C’est pourquoi, la fête de ce jour s’appelle : Epiphanie, que l’on traduit par : manifestation de Dieu. 

D’autre part, pour renforcer ce geste d’adoration, ils offrent à l’enfant de l’encens, ce qui ne laisse planer aucun doute de la reconnaissance de leur part du caractère divin de l’enfant, puisque, dans l’antiquité, on ne faisait brûler de l’encens que devant la divinité (statues dans des temples ou bien encore devant l’effigie de l’empereur, considéré comme un dieu). D’ailleurs, les chrétiens, dans les premiers siècles, refusant de faire brûler de l’encens devant l’effigie de l’empereur, seront considérés comme des athées, les premiers considérés comme tels dans l’histoire de l’humanité. De fait, l’homme de l’antiquité est naturellement religieux, ce qui peut paraître de nos jours bien paradoxal, tant nos contemporains se disent athées. Or, le caractère religieux de l’homme n’a pas disparu. Loin de là, il s’est tout simplement transformé. Au lieu d’adorer une divinité que l’on reconnaît comme telle, on s’adore soi-même (retour aux sources du péché originel : « vous deviendrez comme des dieux qui connaissent le bien et le mal. » (Gn 3,5) La conséquence est que l’on a vu naître de manière exponentielle l’idolâtrie chez l’homme pour des choses censées lui apporter cette impression de puissance et de satisfaction (tout ce que la société matérialiste et consumériste propose à l’homme : argent, biens matériels, plaisirs, loisirs, drogues en tout genre y compris le sexe, pouvoir…).

Les mages, venus d’Orient, ne tergiversent pas sur l’identité de cet enfant. De plus, les deux autres présents, or et myrrhe, ne vont qu’ajouter des précisions sur l’identité de l’enfant et la mission qu’il vient accomplir. 

L’or, ce matériau très précieux, est l’apanage des rois ; il indique clairement que cet enfant est roi et c’est bien ce que les mages vont dire aux habitants de Jérusalem : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? » (Mt 2,2). C’est précisément ce qui mettra le roi Hérode en furie et qu’il n’hésitera pas à faire assassiner tous les enfants de moins de deux ans à Bethléem.

Quant à la myrrhe, cette plante amère au parfum exquis, elle était utilisée par les juifs pour embaumer les corps lors des sépultures. Elle permettait d’atténuer l’odeur de mort et de donner un caractère de respect pour les défunts. Ainsi, en offrant de la myrrhe, il devient évident que les mages signifiaient le mystère de la mort de cet enfant, autrement dit le mystère de la Croix, par lequel Jésus donnera sa vie pour sauver l’humanité. Dans le cas présent pour Jésus, la myrrhe n’a pu être utilisée, puisqu’il fallait amener en hâte au tombeau le corps en raison de la tombée de la nuit, qui correspondait au commencement du Sabbat et de plus cette année-là à la fête de la Pâque juive, ne laissant pas le temps de faire la dernière toilette du mort. D’ailleurs, le matin du dimanche de la résurrection, Marie Madeleine viendra au tombeau pour apporter précisément la myrrhe et faire les soins coutumiers que l’on faisait aux morts, ce qui s’avéra inutile, puisque Jésus n’est plus là ; il est ressuscité. Ainsi, la myrrhe annonce que cet enfant est le Sauveur de l’humanité. Le prénom de l’enfant « Jésus », qui signifie : Dieu sauve, autrement dit qui définit son identité et sa mission, est comme accrédité par les présents que les mages ont apportés. Cette fête de l’Epiphanie révèle la grandeur du mystère de cet enfant et c’est aussi pourquoi dans les premiers siècles de l’ère chrétienne, elle avait une importance plus grande, notamment en Orient, que la fête de Noël.

La Vierge Marie et saint Joseph contemplant l’enfant et assistant à la venue des mages n’ont pas manqué d’en rendre gloire à Dieu. Ce mystère nous amène à cette attitude juste, qui ne cesse d’habiter le coeur de la Vierge Marie : la méditation et la contemplation. Puissions-nous aussi entrer dans ce mystère par la contemplation du silence d’un Dieu qui se révèle aux pauvres de coeurs, à ceux qui se laissent toucher par la simplicité d’un Dieu qui vient à la rencontre de l’homme dans le regard d’un enfant emmailloté dans une crèche. 

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