L’édito de la semaine, le 3 Mars 2024

Commentaire de l’Evangile du Jour (3 Mars 2024, 3ème Dimanche de Carême) de l’Abbé Thierry Delumeau :

« Détruisez ce sanctuaire, et en trois jours je le relèverai » (Jn 2,19), tel est le signe que Jésus, en colère, chassant les marchands du temple, donne aux juifs. Et, ce n’est pas une mince colère, puisqu’il fait un fouet avec des cordes pour les chasser. Évidemment, la réponse de Jésus à la question des juifs : « Quel signe peux-tu nous donner pour agir ainsi ? » (Jn 2,18), en plus de la colère, suscite l’incompréhension chez les juifs : « Il a fallu quarante-six ans pour bâtir ce sanctuaire, et toi, en trois jours tu le relèverais ! » (Jn 2,20). Mais comment pouvait-il en être autrement ? D’ailleurs, saint Jean, dans l’Evangile, précisera la pensée de Jésus : « Mais lui parlait du sanctuaire de son corps. » (Jn 2,21).

De fait, l’incompréhension est totale : Jésus aborde un mystère d’un temple invisible et les juifs parlent d’un temple de pierre visible de leurs yeux. Jésus parle d’un temple bien plus précieux que celui qu’ils observent. Le temple de pierre n’est que la figure de ce temple invisible qu’est son corps. Le temple de pierre en est la préfiguration, l’annonce de celui qui seul peut absoudre les péchés. Celui de pierre où l’on offre les sacrifices d’animaux ne peut sauver le peuple de ses péchés. Comment les sacrifices d’animaux pourraient-ils pardonner les péchés ? Au contraire, le temple de celui du Dieu fait homme est le seul qui a le pouvoir de pardonner les péchés et en même temps est le seul qui peut souffrir, et donc s’offrir en sacrifice tout en pardonnant. Effectivement, seul le sacrifice d’un Dieu fait homme est à même de réconcilier l’homme avec Dieu. Pour jeter un pont entre deux rives, de toute évidence, il faut que ce pont touche les deux rives. Pour que l’homme puisse être réconcilié avec Dieu, il faut que l’homme puisse entrer en communication avec Dieu et naturellement Dieu avec l’homme, bien que ce dernier n’ait jamais rompu la communication ; seul l’homme l’a rompue par son péché. Or, qui peut jeter ce pont, sinon Dieu fait homme seul ? Qui peut mieux le faire que Jésus, la personne divine du Fils éternel du Père fait homme ? Personne, évidement. Et ce n’est sûrement pas des sacrifices d’animaux, qui sont à même de réparer ce que l’homme a fait. Même, l’homme le plus saint ne peut le faire, à plus forte raison des animaux. 

Cet enseignement de Jésus a donc des conséquences.

La première, c’est que le culte des chefs des prêtres, scribes et pharisiens est profondément erroné : ils n’appliquent qu’un culte extérieur, n’impliquant aucune conversion du coeur. C’est pourquoi, Jésus les traite d’hypocrites.

La seconde, le temple de pierre est la figure de celui qui doit advenir. Il n’est pas destiné à perdurer, puisqu’il est devenu caduc devant celui qui vient sur le bois de la Croix. D’ailleurs, au moment où Jésus expire, le rideau du temple, séparant le saint des saints du reste du temple, se déchire de haut en bas (cf. Mt 27,51). Ce rideau, signifiant en quelque sorte le Christ, nous fait entrer dans le saint des saints, autrement dit en Dieu, par son sacrifice. Le vrai sacrifie, le seul efficace est accompli dans la mort de Jésus ; le temple de pierre n’a plus lieu d’être.

La troisième nous concerne : le véritable culte du chrétien est intérieur. Il se passe dans notre coeur, c’est là que Jésus a fait sa demeure et instaure son royaume. Jésus a franchi la porte de notre coeur par son sacrifice, il nous a libérés du péché, qui trouve sa source dans notre coeur. S’il n’y a pas de culte intérieur, d’adoration de Dieu en esprit et en vérité (cf. Jn 4,24), alors nos actes de cultes extérieurs que nous poserons seront vides de sens. Il ne s’agit pas seulement de paroles, mais aussi d’actes que nous pouvons poser. S’ils ne sont pas habités par la charité dans nos coeurs, ils ne sont pas d’authentiques offrandes à Dieu. Il faut en convenir, nous sommes devant une vraie révolution copernicienne : le coeur, ce qu’il y a à l’intérieur, est vraiment le point essentiel, névralgique, de la vraie relation avec Dieu. Puisque les juifs, qui interpellent Jésus, sont à des années lumières de cela, tout renfermés qu’ils sont dans leurs certitudes orgueilleuses et prétentieuses, incapables de reconnaître le Fils de Dieu fait homme présent devant eux, il devient inéluctable que la conséquence pour eux fut l’aveuglement et l’endurcissement allant jusqu’à vouloir fermement la mort de Jésus. On mesure la raison de la sainte colère de Jésus : comment peut-on ne pas voir ce que Jésus leur met sous les yeux ? Pourquoi n’y a-t-il donc que le peuple, les publicains et les prostitués à ouvrir les yeux devant le mystère ? La réponse en est l’absence de l’humilité, qui discerne la Vérité, remplacée par les deux péchés qui ont fait chuter Adam et Eve : l’orgueil fruit du mensonge.

Implorons la Vierge Marie, toute emprunte d’humilité et d’accueil de la Vérité. N’hésitons pas en ce temps de Carême à solliciter son aide maternelle pour nous laisser conduire vers Dieu comme des enfants affamés d’Amour et de Vérité.

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