L’édito de la semaine, le 16 Avril 2023

Commentaire de l’Evangile du Jour (16 Avril 2023, Dimanche de la Miséricorde Divine) de l’Abbé Thierry Delumeau :

« Avance ton doigt ici, et vois mes mains ; avance ta main, et mets-la dans mon côté : cesse d’être incrédule, sois croyant. » (Jn 20,27) dit Jésus à Thomas. La réponse ne se fait pas attendre : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » (Jn 20,28). La vision du transpercé vivant fait jaillir du fond du coeur de l’apôtre Thomas le cri de la foi. Autrement dit, la vision de l’humanité de Jésus marquée par les plaies de la crucifixion, ne lui laissant aucun doute que l’homme vivant devant lui, est bien celui qui fut trois jours auparavant crucifié et mort sur la Croix, l’amène à croire que cet homme-là est Dieu. Ainsi, la vision de l’humanité transpercée de Jésus le conduit à croire que cet homme-là est Dieu. Permettez-moi d’insister, tant cela relève d’une grande importance, il voit avec ses yeux de chair l’humanité de la personne de Jésus et croit dans son coeur que cette personne est Dieu. Aussi, Jésus ne peut qu’ajouter : « Parce que tu m’as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu. » (Jn 20,29). Autrement dit, cela veut dire explicitement : parce que tu as vu mon humanité, tu crois en ma divinité. Heureux ceux qui croient en ma divinité sans avoir vu mon humanité. Cette explication est nécessaire tant l’affirmation de Jésus est, pour beaucoup, incomprise. Combien de fois n’entendons-nous pas dire : je ne crois que ce que je vois ? Ce qui est complètement absurde. On ne peut pas croire ce que l’on voit, puisqu’on le voit. On ne peut donc croire que ce que l’on ne voit pas. Ce qui veut dire qu’on ne peut pas croire et voir une même réalité sous le même rapport. En l’occurrence, la personne du Fils de Dieu, Jésus, comportant deux réalités, deux natures, l’une humaine donc visible et l’autre divine donc invisible, entre dans ce cas de figure et ce qui permet ainsi de comprendre l’affirmation de Jésus. Ainsi, bien que Thomas soit repris par Jésus pour son manque de foi, qui se caractérise par son besoin de voir son humanité pour croire en sa divinité, ne doit pas cacher qu’il est aussi le seul apôtre qui affirme de sa bouche dans l’Evangile sa foi : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » (Jn 20,28). De même, les autres apôtres ont cru en Jésus comme Thomas en voyant le Transpercé vivant. L’exception est pour saint Jean, qui semble être le seul à avoir cru en lui sans l’avoir vu, puisqu’il dit de lui-même dans son Evangile, que la vision du tombeau vide l’a amené à croire : « Il vit, et il crut. » (Jn 20,8). Alors fort de cela qu’est-ce qui caractérise Thomas par rapport aux autres apôtres, hormis Jean ? La réponse est qu’il a refusé de croire au témoignage des autres apôtres (il fut absent lorsque Jésus ressuscité est apparu à tous, le jour de Pâques) : « Les autres disciples lui disaient : « Nous avons vu le Seigneur ! » Mais il leur déclara : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas ! » (Jn 20,25). Le témoignage n’était pas suffisant, il lui fallait voir les plaies du Crucifié pour croire. En cela, son manque de foi, montre que le mystère de la résurrection, malgré tout ce que Jésus leur avait enseigné, était loin d’être une évidence. Elle était tout simplement impossible pour leur esprit. La peur, qui s’en est suivie après l’arrestation de Jésus, les amenant à fuir et à se cacher des juifs, a conduit les apôtres, hormis Jean, à nier une telle réalité. L’échec et le spectacle d’une souffrance innommable et une condamnation de Jésus comme un criminel ne pouvaient laisser dans leur coeur qu’une grande tristesse et un profond désespoir, ce que laissent, d’ailleurs, entendre les disciples d’Emmaüs : « Tout tristes… Nous, nous espérions que c’était lui qui allait délivrer Israël. » (Lc 24,17.21). La résurrection est donc un vrai mystère, aussi bien pour les apôtres, ceux qui ont partagé la vie de Jésus pendant trois ans, que pour nous-mêmes. Rien ne fut évident pour personne. Seule, la Vierge Marie, qui, bien que cela fut pour elle un mystère comme pour nous tous, avait dans son coeur cette certitude que son divin Fils ressusciterait, et cela principalement pour deux raisons. La première, c’est que la Vierge Marie avait la foi et une foi sans faille : son Fils est Dieu, elle le croit et donc le sait de manière certaine. Or, la personne divine du Fils ne peut laisser son humanité dans la mort, d’autant plus que la raison de son incarnation est la rédemption, autrement dit le salut de l’homme, c’est-à-dire la résurrection des hommes. La seconde, c’est que Jésus l’avait annoncée à ses apôtres : « Le Fils de l’homme sera livré aux grands prêtres et aux scribes ; ils le condamneront à mort, ils le livreront aux nations païennes, qui se moqueront de lui, cracheront sur lui, le flagelleront et le tueront, et trois jours après, il ressuscitera. » (Mc 10,33-34, mais aussi Mt 17,23 ; Mc 8,31 ; Lc 9,22) et que toute l’Ecriture le prophétisait, comme, d’ailleurs, le dira Jésus, lui-même, aux disciples d’Emmaüs : « Esprits sans intelligence ! Comme votre cœur est lent à croire tout ce que les prophètes ont dit ! Ne fallait-il pas que le Christ souffrît cela pour entrer dans sa gloire ? » Et, partant de Moïse et de tous les Prophètes, il leur interpréta, dans toute l’Écriture, ce qui le concernait. » (Lc 24,25-27). Or, Marie ne cesse de méditer les événements qui se déroulaient (cf. Lc 2,19.51) et son coeur était pétri de la connaissance des Saintes Ecritures. Il allait donc de soi, pour elle, dans son coeur, que Jésus ressusciterait, même si cette certitude n’empêche pas, pour elle, comme pour nous, que la résurrection est un vrai mystère qui ne peut être connu que dans la foi. Alors, heureux sommes-nous, comme le dit Jésus à Thomas de croire en la divinité de Jésus, malgré l’absence de la vision de son humanité transpercée. 

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