Fête du Corps et du Sang du Seigneur

Commentaire de l’Evangile du Jour (11 Juin 2023, Solennité de la Fête-Dieu, le Saint Sacrement, le Corps et le Sang de notre Seigneur Jésus) de l’Abbé Thierry Delumeau :

« Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour… Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi, je demeure en lui. » (Jn 6,54.56) nous dit Jésus dans l’Evangile de ce dimanche, au cours duquel nous fêtons la Solennité du Corps et du Sang de notre Seigneur Jésus, que l’on appelle traditionnellement la Fête du Très Saint Sacrement ou encore la Fête-Dieu. Ce mystère est demeuré incompréhensible pour les juifs, de telle sorte que beaucoup parmi ses disciples quittèrent Jésus à partir de ce moment-là. De fait, comment peut-il donner son corps et son sang en nourriture, s’interrogeaient de nombreuses personnes, qui, pour beaucoup d’entre-elles, avaient été émerveillées par les nombreux miracles accomplis, et notamment la multiplication des cinq pains et deux poissons ? Nous sommes là devant un mystère qui dépasse ce que la raison peut en saisir. Ce n’est pas son corps physique et le sang qui coule dans ses veines que Jésus veut donner ; il ne s’agit pas d’une mutilation de son corps physique, mais bien d’un mystère de transformation de ce qui n’était que du pain et du vin en son Corps et son Sang, tout en gardant les propriétés physiques du pain et du vin. Ce mystère s’appelle la « transsubstantiation », c’est-à-dire le changement de la substance, autrement dit l’être, du pain en celle de son Corps et celle du vin en son Sang, tout en ne changeant rien de ce que nos sens peuvent appréhender, c’est-à-dire ce que nos yeux voient, notre palais goûte, notre nez sent, notre main et notre bouche touchent, ou encore ce que la science peut analyser. Seule, la substance change, « ce qui est », et non pas ce que l’on appelle « les accidents », ce que nous pouvons saisir par nos sens. Ainsi, on voit bien que l’on n’est pas dans l’ordre du miracle comme peut l’être une multiplication des pains que tout le monde observe, et laisse les hommes cois devant une telle puissance qui échappe au commun des mortels et aux forces de la nature ; non, on est dans l’ordre du mystère, qui nécessite pour le saisir quelque peu la foi. Sans la foi, ce qui est invisible à nos yeux de chair et imperceptible à nos sens ne peut être connu. Ainsi, la présence réelle dans le Saint Sacrement demeure cachée à tous et n’est connue que par la foi. On peut ainsi aisément comprendre que beaucoup de disciples, bien qu’émerveillés par les miracles de Jésus, soient en revanche beaucoup plus circonspects pour le mystère de l’Eucharistie. Ce mystère est comme une porte d’entrée dans le sein des seins de la présence de Dieu, Lui qui échappe à tout ce que l’homme peut mesurer à l’aune de ses sens et de son intelligence. Dieu ne peut être connu que par la foi seule, qui passe nécessairement par, ce que le Concile Vatican I (Const. dogm. De fide cath., chap. 3, sur la foi : Denz. 1789 (3008), repris par Vatican II (Dei Verbum n°5) donna comme définition : « un complet hommage d’intelligence et de volonté à Dieu qui révèle et dans un assentiment volontaire à la révélation qu’il fait. » Ainsi, le mystère, bien que cela reste obscur pour l’homme, n’est pas dénié de tout acte d’intelligence. Au contraire, l’homme est appelé à discerner que la révélation de Dieu, non seulement n’est pas contraire à la

raison, mais plutôt demande à l’homme de discerner que lorsque Dieu se donne à connaître, sa parole ne peut être mise en doute et requiert le plus grand assentiment que l’homme peut donner à Dieu, à savoir la foi. C’est en accueillant la divinité de Jésus, que je suis amené à accueillir sa parole, lorsqu’il dit sur le pain : «CeciestmonCorps» etsurlevin:«CeciestmonSang.»(Mt26,26.28;Mc 14,22.24 ; Lc 22,19-20). Dieu ne peut me mettre dans l’erreur, car il ne peut pas mentir et ni se tromper, contrairement à l’homme qui peut se tromper, bien qu’il n’ait pas l’intention de mentir. Le saut est donc énorme entre l’observation d’un miracle qui ne peut venir que de Dieu, et le mystère que je ne peux observer mais qui passe par une confiance absolue en Dieu. Dans le premier cas, ma raison juge, observe, mais reste souveraine pour donner les conclusions de son observation, dans le second cas, ma raison s’incline devant le mystère, non pas de manière aveugle, mais après avoir accueillie que Celui qui me parle est bien Dieu. En cela, ma raison a fait l’acte le plus grand qui soit : reconnaître et discerner que Dieu s’adresse à lui et se laisse découvrir dans l’exercice humble de l’intelligence pour laisser place à la foi. Elle lui donne des ailes, afin d’élever l’homme dans la compréhension du mystère au-dessus de ce que l’intelligence ne peut comprendre. La Vierge Marie et à sa suite la cohorte des saints, n’ont cessé, par une méditation et une contemplation approfondit du mystère de Dieu, d’entrer dans la foi dans le coeur à coeur avec Dieu. Le mystère de l’Eucharistie et donc de la présence réelle de Jésus dans le Saint Sacrement sont le « lieu » privilégié de la rencontre avec Dieu, puisque c’est non seulement le lieu de la grâce, que Jésus donne aux hommes, mais parce que avant tout c’est Dieu lui-même, qui est là et qui se donne à profusion. Là où est la présence réelle du Saint Sacrement, là est Dieu.

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