Commentaire de l’Evangile du Jour (8 Octobre 2023, 27ème dimanche du Temps Ordinaire) de l’Abbé Thierry Delumeau :
« N’avez-vous jamais lu dans les Écritures : La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle : c’est là l’œuvre du Seigneur, la merveille devant nos yeux ! » (Mt 21,42) dit Jésus dans l’Evangile de ce dimanche. Dans cette parabole, c’est toute l’histoire du peuple élu qui est contée par Jésus. De cette parabole, nous pouvons tirer trois constats.
Le premier, c’est que Dieu confie sa vigne, c’est-à-dire sa grâce, à des vignerons qui ne sont autres que son peuple, le peuple d’Israël, élu de Dieu. En conséquence, ces vignerons doivent remettre en temps voulu le fruit de la vigne, autrement dit rendre grâce à Dieu. Or, les vignerons sont rebelles. Plus que cela, ils se comportent comme des ennemis du maître de la vigne. Ce ne sont pas des coeurs en action de grâce, le fruit de la vigne, que le maître recueille, mais au contraire des coeurs endurcis, qui ne cessent de persécuter prophètes et envoyés du Seigneur, jusqu’à son propre fils, dont ils décréteront sa propre mort : « Mais, voyant le fils, les vignerons se dirent entre eux : « ‘Voici l’héritier : venez ! tuons-le, nous aurons son héritage !’ Ils se saisirent de lui, le jetèrent hors de la vigne et le tuèrent. » (Mt 21,38-39). Alors, devant l’acte odieux des vignerons, le maître choisi d’autres vignerons, les païens, à qui a été accordée la vigne, c’est-à-dire la grâce du royaume éternel, pour que ces nouveaux vignerons remettent en temps voulu le fruit de la vigne, un coeur plein d’amour pour le maître miséricordieux.
Le second constat, c’est que Jésus est la pierre d’achoppement sur laquelle la mort des vignerons est décidée : « Ces misérables, il les fera périr misérablement. Il louera la vigne à d’autres vignerons, qui lui en remettront le produit en temps voulu. » (Mt 21,41). Aussi, c’est comme l’acte irréparable, comme la pierre sur laquelle butte le peuple élu, hostile à la grâce du maître. En conséquence, il se voit déposséder des prérogatives que le maître lui avait accordées. La vigne sera donc remise à de nouveaux vignerons, les païens, qui en masse se convertiront et rendront le fruit de la vigne en temps voulu. Ce constat, comme le montre la parabole, donne à voir que le fils du maître est la pierre de fondation du nouveau peuple de Dieu. Celui-ci s’élève sur le don de la vie du Fils de Dieu, qui a donné sa vie pour que le nouveau peuple de Dieu puisse vivre de la grâce et ainsi remettre en temps voulu le fruit de la vigne.
Le troisième constat, c’est que travailler au service du maître, c’est travailler à son salut. Rendre le fruit de la vigne au maître, c’est tout simplement accueillir le don de la vie du maître, lequel en donnant son fils, donne tout. Auparavant, le choix d’un peuple pour être les vignerons du maître, élu parmi tant de peuples, pouvait constituer un privilège dans le coeur de ces vignerons, de telle sorte qu’ils avaient projeté le dessin insensé de s’approprier la vigne du maître, au prix même de la vie du fils du maître, pensant en devenir les héritiers naturels. A présent, devant le prix de la vie du fils du maître pour être élu comme les nouveaux vignerons, ces derniers ne voient plus qu’en lui action de grâce et miséricorde.
La Vierge Marie et tous les saints en ont mesuré le prix du sang du Fils de Dieu, particulièrement Saint Léger que nous fêtons en ce dimanche, qui a versé son sang pour témoigner du Christ. Ils n’ont cessé de contempler en lui, la valeur inestimable de cette « pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs » qui « est devenue la pierre d’angle » (Mt 21,42). Le fruit de la vigne coule avec abondance dans les coeurs de cette foule innombrable qui ne cesse de chanter les louanges du Seigneur. Oui, « c’est là l’œuvre du Seigneur, la merveille devant nos yeux ! » (Mt 21,42). A notre tour, fixons les yeux sur Celui qu’ils ont transpercé (Cf. Za 12,10 et Jn 19,37), afin d’être attirés à lui et d’en chanter les louanges éternelles.
