L’édito de la semaine, le 6 Novembre 2022

Commentaire de l’Evangile du Jour (6 Novembre 2022, 32ème dimanche du Temps Ordinaire) de l’Abbé Thierry Delumeau :

« Ils ne peuvent plus mourir : ils sont semblables aux anges, ils sont enfants de Dieu et enfants de la résurrection. » (Lc 20,36) dit Jésus. Le mystère de la résurrection est rejeté par les sadducéens, de même pour ce qui concerne l’existence des anges. C’est principalement en cela qu’ils se distinguent de l’autre élite du peuple hébreu que sont les pharisiens. Du coup, devant le piège que les sadducéens voulaient tendre à Jésus, en prenant l’exemple de la femme aux sept maris, Jésus va affirmer ainsi l’existence de la résurrection et celle des anges. Et comme l’argument pouvait ne pas paraître assez pertinent pour ces messieurs, Jésus va accentuer sa réponse en reprenant ce que Dieu a dit à Moïse, qu’il est « le Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob » (Lc 20,37) et qu’il ne peut pas être le Dieu des morts, mais des vivants. A quoi bon revendiquer d’être le Dieu de personnages qui seraient définitivement morts ? Cela n’aurait guère de sens. Là, l’argument fait mouche. 

Aussi, Jésus en profite pour montrer la corrélation entre le mariage et la mort. A première vue, cela peut paraître étrange de dire cela : « Les enfants de ce monde prennent femme et mari. Mais ceux qui ont été jugés dignes d’avoir part au monde à venir et à la résurrection d’entre les morts ne prennent ni femme ni mari, car ils ne peuvent plus mourir. » (Lc 20,34-36). De fait, Jésus dit qu’au ciel, on ne se marie plus, car on ne peut plus mourir. Le mariage est donc une réalité temporelle et non éternelle ; ce qui ne veut pas dire que ceux qui ont été maris et femmes ne s’aimeront plus. Bien au contraire, leur amour sera encore plus grand. Mais, bien qu’il n’y aura plus la dimension charnelle qui réclame l’exclusivité, il sera spirituel, dans la profondeur de l’amour purificateur et salvateur de Dieu.

Le deuxième enseignement que Jésus nous donne, c’est la condition des bienheureux du ciel : « Ils sont semblables aux anges, ils sont enfants de Dieu et enfants de la résurrection. » (Lc 20,36). Ils sont semblables aux anges, nous dit Jésus. On aurait pu penser qu’ils soient comme des frères et des soeurs, expérience que l’on peut faire sur terre quand des frères et des soeurs s’aiment profondément. Mais non, plutôt comme des anges, dit Jésus. Pourtant, personne ici-bas a fait l’expérience de l’amour angélique entre les anges. Or, si Jésus dit que les bienheureux « sont semblables aux anges », c’est que la relation d’amour entre les anges a ce caractère d’être un amour pleinement spirituel qui n’est pas sujet à la dimension affective, comme chez l’homme. Non pas que cette dimension soit mauvaise en tant que telle, car elle est le propre de l’homme sur terre. Mais elle n’a pas ce caractère de plénitude que possède la nature angélique et que l’homme possèdera dans l’éternité, puisque l’homme comme l’ange puiseront leur amour dans la profondeur de celui de la sainteté et la pureté de Dieu pour l’ange et dans celui de la miséricorde rédemptrice pour l’homme, afin que Dieu soit en tous, régnant dans les coeurs par sa plénitude d’amour. On le voit, l’enseignement de Jésus est d’une grande richesse. En répondant à l’objection et à l’erreur de doctrine des sadducéens, il en profite pour nous donner la richesse du mystère de son royaume et de sa royauté. Jésus règne dans les coeurs des bienheureux et tous trouvent leur bonheur en lui, car tous ont en lui, non seulement l’être qu’ils ont reçu de lui, mais aussi l’accueil de la grâce et du trésor inépuisable de la profondeur et l’épaisseur du mystère insondable qu’est le coeur miséricordieux de Dieu. Les anges, eux-mêmes, ne peuvent que louer Dieu pour la profondeur insondable de la miséricorde de Dieu pour l’homme. Soyons en persuadés, l’amour de Dieu a quelque chose d’inouï : devant le tragique, le drame et l’horreur du péché et de ses conséquences – il suffit de voir l’état de notre monde – , Dieu, dans le mystère d’un abaissement et d’une souffrance innommable, charge sur ses épaules la brebis égarée qu’est tout homme pour lui donner part au bercail du bonheur éternel. Notre coeur ne peut que fondre devant une telle délicatesse de Dieu. Si l’homme ne se laisse plus toucher par ce Dieu, qui daigne s’abaisser dans une humanité souffrante, comme personne n’a pu, ne pourra connaître, alors son coeur est mort ; bien que vivant, il est mort. Trop souvent, l’homme crie à l’injustice et se scandalise du mal des autres, mais il est souvent bien plus indulgent pour le sien, car il ne voit que son petit intérêt terrestre. Mais qu’est-il ce petit intérêt devant le salut de l’humanité. ? Si Jésus crie à nos oreilles le commandement de l’amour, c’est en aimant qu’il sauve le monde, et c’est en aimant que nous contribuons aussi à sauver le monde puisque l’amour qui vient de lui est source de vie.

La Vierge Marie l’a comprise bien mieux que quiconque et sa mission est précisément de cet ordre : aimer : « Femme, voici ton fils » (Jn 19,26). Autrement dit, femme aime ton fils, aime, oui aime de mon amour que je déverse de ma Croix sur le monde, car c’est dans l’amour que je recrée toute chose. Toi, ma mère, fais de même, aime pour que mes frères et soeurs, qui sont tes enfants désormais, découvrent l’amour dont ils sont aimés. De fait, la vocation d’une mère, que Dieu a voulu, n’est-elle pas de faire grandir ses enfants dans l’amour qu’elle leur donne ? Oui, Marie intercède pour nous ! Que nous puissions découvrir dans nos entrailles d’hommes la profondeur de ce mystère d’amour et le monde ne pourra que s’en porter mieux !

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