L’édito de la semaine, le 6 Août 2023

Commentaire de l’Evangile du Jour (6 Août 2023, la Transfiguration de Jésus) de l’Abbé Thierry Delumeau :

« Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie : écoutez-le ! » (Mt 17,5). La voix du Père se fait entendre dans le ciel, de la même manière et avec les mêmes mots que lors du baptême de Jésus dans le Jourdain. Elle se fera entendre à nouveau, mais avec des propos différents, dans un contexte différent, au moment où Jésus fait son entrée à Jérusalem, le dimanche des Rameaux, pour consommer son sacrifice, l’heure de sa gloire : « Je l’ai glorifié et je le glorifierai encore. » (Jn 12,28). Là, à la Transfiguration, le Père authentifie son Fils, comme lors du baptême de Jésus. Il vient accréditer qu’il est bien Celui qui est l’envoyé de Dieu, le Messie, Celui qui vient accomplir les prophéties, Celui dont la Loi (Moïse) et les prophètes (Elie) annoncent. Ce mystère est si effrayant pour nos trois disciples, qu’ils en tombent face contre terre et sont saisis d’une grande frayeur. Tant que la vision des deux grands personnages de l’ancienne Alliance, apparaissant avec Jésus revêtu de gloire, transfiguré, s’entretenant avec lui, notamment de sa montée à Jérusalem, à court, les disciples sont plutôt dans la joie : « Seigneur, il est bon que nous soyons ici ! » (Mt 17,4). Mais, lorsque la nuée les couvrit de son ombre et que la voix du Père clame dans le ciel, alors là, les trois disciples sont saisis de frayeurs. C’est la nuée et la voix du Père, qui les conduisent à passer du stade de la joie, du bonheur d’être avec les trois personnages (Jésus, Moïse et Elie), à celui de la frayeur, de tomber face contre terre, au point que Jésus s’approche d’eux et les touche pour les rassurer et les inviter à se relever. Pourquoi en est-il ainsi ? L’avant-goût du ciel qu’ils viennent de vivre n’est pas pour maintenant, ni d’ailleurs pour la vie sur terre. Il faudra d’abord connaître la grande épreuve de la Passion de Jésus, le mystère de la Croix, qui ne manquera pas de faire connaître dans le coeur des apôtres, hormis saint Jean, le désarroi, la trahison, la peur, le doute et même la perte momentanée de la foi. La vision du Ressuscité a été très difficile à accueillir pour chacun d’eux, hormis saint Jean : ils pensaient voir un fantôme. Le mystère de la Transfiguration que Pierre, Jacques et Jean viennent de vivre est tel, qu’ils ne peuvent douter de la divinité de Jésus, de sa mission, de l’importance de sa parole, avec cette affirmation du Père sans ambiguïté : « Ecoutez-le ! » (Mt 17,5). Ce qu’ils auront vu et entendu lors de la transfiguration est d’autant plus important que le mystère de l’Agonie, que Jésus va vivre et dont ils seront les seuls témoins, sera aussi cause d’une grande frayeur. La vue de l’Agonie de Jésus est tellement effrayante, qu’elle ne peut que conduire, à elle seule, à perdre la foi. En effet, cet homme, abattu, livré à une souffrance indicible, comment peut-il être le Messie, le Fils de Dieu, pour celui qui n’a pas été préparé à vivre un tel événement ? La vision au préalable de la Transfiguration de Jésus était un mystère destiné à marquer leur mémoire pour les aider à surmonter une telle épreuve, qui paraît si indigne à vivre pour le Fils de Dieu. Saint Paul ne dit-il pas que la Croix est scandale pour les juifs ? (1 Co 1,23). De fait, qui avait imaginé un seul instant, parmi les hébreux, que le Messie tant attendu comme le libérateur d’Israël, connaitrait une telle destinée ? Personne. Et cela malgré les prophéties d’Isaïe du Serviteur souffrant (Is 52.53). Cela paraissait tout simplement scandaleux, tant le malheur, pour tout bon juif, est associé au péché (notamment l’aveugle-né et la question saisissante des disciples à Jésus : « Rabbi, qui a péché, lui ou ses parents, pour qu’il soit né aveugle ? » (Jn 9, 2). Ainsi, le mystère de la Transfiguration fait écho au mystère de l’Agonie de Jésus, afin que la foi, bien faible des disciples, ne soit pas anéantie par le mystère insondable et indicible de la Passion de Jésus. Tout cela manifeste et met en valeur la vertu de l’espérance, l’une des trois vertus théologales que nous recevons le jour de notre baptême. Elle nous invite à la persévérance au moment de l’épreuve, à la confiance et à l’abandon en la divine Providence, qui fait tout contribuer au salut de ceux qui mettent leur confiance en elle. A ce titre, la Vierge Marie occupe une place à part, tant par l’intensité de son union à Dieu, son Fils bien aimé, mais aussi par le fait que rien n’est venu entraver, ne serait-ce qu’un instant, la confiance et l’abandon qu’elle a mis en Dieu. Nous allons fêter, ce mois-ci, le 15 août, le mystère de son Assomption, de sa montée au ciel en corps et en âme, la seule personne humaine, qui pour l’instant connait cela (pour toutes les autres, cela sera au jugement dernier ; seule l’âme des saints monte au ciel jusqu’à présent). Ce mystère montre à quel point la Vierge Marie, par la grandeur du mystère de sa personne, habitée dès l’instant de sa conception de la grâce, n’a cherché que Dieu seul et sa volonté. C’est là le secret de la sainteté : Chercher inlassablement Dieu seul et sa volonté, C’est aussi mettre en pratique la voix du Père : « Ecoutez-le ! » (Mt 17,5).

Bel été à tous.

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