L’édito de la semaine, le 29 Octobre 2023

Commentaire de l’Evangile du Jour (29 Octobre 2023, 30ème dimanche du Temps Ordinaire) de l’Abbé Thierry Delumeau :

« De ces deux commandements dépend toute la Loi, ainsi que les Prophètes. » (Mt 22,40) dit Jésus au docteur de la Loi. Assurément, c’est le secret de la sainteté, car c’est le secret d’une authentique vie spirituelle. De fait, si l’on prend le temps de réfléchir : quelle est la condition essentielle de la vie éternelle ? Qu’est-ce qu’il faut faire pour aller au ciel ? Encore, quel est l’élément constitutif et indispensable dans la vie d’un saint ? La réponse ne peut être autre que celle-ci : aimer Dieu et son prochain, pas seulement Dieu, mais aussi son prochain, et pas seulement celui que l’on ne voit pas à l’autre bout du monde, mais aussi celui que l’on côtoie régulièrement et qui nous insupporte. Autrement dit, l’amour est le commandement de Dieu et donc l’axe central de toute vie chrétienne, qui réclame  du chrétien un effort constant et donc un combat contre lui-même, puisqu’il réclame de sortir de soi pour aller vers l’autre. 

Nous en arrivons donc à la question essentielle : c’est quoi aimer ? Effectivement, quand Jésus parle d’amour et qu’il l’associe à un commandement, il devient évident qu’il n’en donne pas la même définition que celle que l’on retrouve dans la bouche de nos contemporains. Aimer, dans notre monde moderne, est essentiellement l’expression d’un sentiment, d’une affection, autrement dit, il met en oeuvre nos cinq sens. Par exemple, j’aime telle personne parce qu’elle est belle, gentille, agréable, ou encore parce qu’elle pense comme moi, ou encore parce que j’en suis amoureux… Rien de tout cela met en oeuvre une faculté spirituelle essentielle qui est la volonté. Aimer, Jésus en donne une définition claire : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. » (Jn 15,13). Ainsi, aimer, c’est donner ma vie, ce qui veut-dire que cela me conduit à sortir de moi-même, car ce n’est pas uniquement, bien entendu, mourir au sens physique pour l’autre, mais plutôt mourir à moi-même ou encore renoncer à moi-même pour accueillir l’autre, ce que Jésus a fait au sens physique et spirituel sur le bois de la Croix. Aimer, me conduit ainsi nécessairement à sortir de mon petit confort où je ne pense qu’à moi-même et à mes propres intérêts, ce qui est extrêmement difficile dans une société où le bonheur s’exprime par l’avoir et la jouissance sans entrave de tous les plaisirs de la vie. Aimer, me conduit donc à un acte de volonté pour maitriser mes passions et ainsi faire place au don et à l’accueil du don de l’autre, autrement dit, à permettre à l’autre d’exister en moi. Aimer, selon la définition de Jésus, est forcément exigeant, au point que l’on puisse dire que c’est l’activité humaine la plus difficile à vivre, réclamant des efforts constants, qui, sans la grâce de Dieu, seraient extrêmement difficiles, pour ne pas dire impossibles à vivre. Il y a, de fait, un paradoxe dans l’amour : il conditionne notre bonheur (et pas seulement parce que j’ai obéi à un précepte du Christ) et en même temps il réclame beaucoup d’efforts constants. 

Il nous faut préciser deux choses. La première, c’est que l’homme a été créé par Dieu pour aimer. L’amour, comme expression du don de soi, donc la mise en oeuvre de la volonté, est donc naturel et procure de la joie et du bonheur. Tous nous en faisons l’expérience dans la vie. Cet amour d’exigence n’est donc pas contraire à notre nature, bien au contraire, elle en est l’excellence. Or, il y a un hic, qui gâche tout et qui rend extrêmement laborieux l’acte d’aimer, comme un grain de sable qui a enrayé la machine au point de rendre ce qui est naturel difficile à mettre en pratique de manière constante. Ce hic est donc la seconde chose à préciser, c’est bien sûr le péché, notamment le péché originel, qui, bien que nous ne l’ayons plus depuis notre baptême, a entraîné en chacun de nous, une blessure de notre âme. Cette blessure est comme une faiblesse, puisqu’elle est la conséquence, à l’origine de nos premiers parents, d’un refus d’aimer Dieu pour s’aimer comme son propre dieu. Cette rébellion de l’homme des origines envers Dieu a comme blessé en profondeur l’âme dans sa capacité d’aimer, au point qu’il doit mener un certain combat pour aimer en vérité, appuyé par des efforts constants et avec l’aide de la grâce, même si aimer, au final procure une grande joie. Comme nous le disions plus haut, c’est finalement un paradoxe : aimer, c’est un combat qui réclame des efforts soutenus et en même temps quand j’ai posé l’acte, j’en éprouve une grande joie et un grand bonheur. Devant cette difficulté inhérente à l’humanité, Dieu, par l’offrande de la vie de Jésus sur le bois de la Croix, apporte le remède de la grâce pour soutenir nos efforts et donner ainsi un vrai sens à notre vie. 

La Vierge Marie et la foule innombrable des saints, que nous allons fêter dans quelques jours, sont pour nous des exemples de ce que la grâce de Dieu a produit en eux, cette grâce qui ne fait jamais défaut à celui qui la demande. En cette fête de Toussaint, nous pouvons demander à cette cohorte céleste de nous aider et d’intercéder auprès de Dieu, pour que nous ne faisions pas défaut à la grâce que Dieu veut foncièrement nous accorder.

Découvrez aussi...