L’édito de la semaine, le 29 Mai 2022

Commentaire de l’Evangile du Jour (29 Mai 2022 7ème Dimanche de Pâques) de l’Abbé Thierry Delumeau :

« Père, ceux que tu m’as donnés, je veux que là où je suis, ils soient eux aussi avec moi, et qu’ils contemplent ma gloire, celle que tu m’as donnée parce que tu m’as aimé avant la fondation du monde. » (Jn 17,24). Cette prière, dite sacerdotale, est un joyau, un sommet de la révélation du mystère divin. Nous avons là une longue prière que Jésus adresse à son Père, qui nous révèle sa grande intimité avec le Père : «  Père, tu es en moi, et moi en toi. » (Jn 17,21), son grand amour pour les hommes : « Père, ceux que tu m’as donnés, je veux que là où je suis, ils soient eux aussi avec moi. » (Jn 17,24) et sa volonté que les hommes participent à la vie divine : « Je leur ai fait connaître ton nom, et je le ferai connaître, pour que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux, et que moi aussi, je sois en eux.  » (Jn 17,26). Cette révélation a quelque chose d’inouïe. Elle dépasse toute imagination, puisque Dieu n’a pas d’autre projet que de conduire sa créature à partager son intimité divine. Après avoir lui-même, dans le mystère de l’incarnation, donné sa vie pour que l’homme ne reste pas attaché au triste sort dans lequel il s’était fourvoyé par le péché, il veut faire connaître à l’homme après sa conversion la réalité divine. Il veut que non seulement l’homme connaisse Dieu, mais qu’il soit avec lui : « Je veux que là où je suis, ils soient eux aussi avec moi. » (Jn 17,24). Ainsi, ce qu’est le Fils par nature, l’homme le devient par la grâce d’adoption et cela sans aucun mérite de sa part, puisque tout le mérite en revient à Jésus lui-même. Même dans les rêves les plus fous, l’homme n’aurait pu imaginer de meilleur scénario, puisqu’il n’en existe pas de meilleur. Ce que l’ange maudit, Satan, avait voulu instiguer dans le coeur de l’homme s’avérait de toute évidence un scénario désastreux, car comment la créature peut-elle survivre sans son créateur, dont elle dépend à chaque instant de son existence ? A plus forte raison, quel bonheur pouvait-elle espérer sans lui, car aucun bonheur ne peut exister en dehors de Celui qui ne peut pas ne pas être ? De fait, avant d’envisager, ne serait-ce qu’un instant de bonheur, encore faut-il exister, vivre. Il devient évident que le bonheur ne peut se faire pour la créature contre la volonté du Créateur. Or, là, dans le mystère du salut, non seulement Dieu vient au secours de sa créature rebelle, mais lui propose un régime inimaginable pour une telle situation : vivre avec lui, partager ce qui fait sa vie, autrement dit une vie d’adoption de telle sorte que la créature rebelle passe au stade de l’élue du coeur de Dieu : « Je veux que là où je suis, ils soient eux aussi avec moi. » (Jn 17,24). Il n’y a donc aucune ambiguïté dans le message du Christ. La joie ne peut être qu’au rendez-vous, une joie qui ne peut que surpasser toute joie éphémère de ce monde. Pourtant, il nous semble que nous vivons sur cette terre quelque chose de radicalement différent, loin de tout ce que Jésus nous dit dans la prière sacerdotale. Les malheurs, les épreuves et souffrances sans nombres sont le lot de tous. Qui peut dire qu’il ne connait pas d’épreuve ou de souffrance ? Alors pourquoi, y-a-t-il un gouffre entre ce que l’homme peut vivre ici-bas avec des aspirations somme toute modestes et ce que Jésus nous révèle dans l’Evangile ? Y’aurait-il deux mondes incommunicables entre eux, deux réalités inconciliables entre elles, au point de conduire beaucoup à douter de la possibilité d’un tel bonheur, paraissant inaccessible et si étranger à leur quotidien ? La foi serait-elle donc un leurre, un doux rêve, une utopie ? Il convient de poser les choses pour ne pas se tromper par mégarde, errer dans des chemins sans issue. Tout d’abord, ce que Jésus révèle à l’homme prendra sa pleine réalité au ciel et non pas sur terre, même si certains vivent cette réalité dans l’ombre de la foi dès ici-bas, notamment les saints. C’est d’ailleurs pour ces derniers une certitude, car déjà ils la vivent dans la foi. Or, pour la majorité des gens, la vie sur terre est la seule réalité dont ils sont certains et donc tout ce qui relève de la foi, considérée comme une croyance parmi d’autres, ne peut être qu’une supposition, une éventualité et non pas quelque chose de bien réelle. Ensuite, nous sommes dans l’ordre de la foi, qui est le seul moyen que l’homme dispose pour connaître cette réalité insaisissable par nos propres forces humaines. La foi, qui est un don de Dieu, implique une confiance en Dieu qui se révèle à l’homme, une confiance en Jésus, le Dieu fait homme. Autrement dit, pour accéder au monde de la foi, au monde du ciel, cela passe nécessairement par la confiance. Le « Jésus, j’ai confiance en toi » du tableau de la Miséricorde divine prend là toute sa mesure et son sens. L’experte en la matière, c’est bien sûr la Vierge Marie, et c’est précisément cela qui la distingue de tous : sa confiance est telle, qu’il n’y a aucune ombre au tableau de son âme. Elle était donc en mesure de pouvoir porter tous les mystères qu’elle était appelée à vivre. C’est ce qui la rend d’autant plus incontournable pour nous accompagner ici-bas sur ce chemin de la foi. En elle, nous avons le plus fidèle soutien au quotidien pour nous aider à grandir dans la confiance en Dieu et ainsi vivre d’espérance et non pas de seuls espoirs.

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