L’édito de la semaine, le 27 Février 2022

Commentaire de l’Evangile du Jour (27 Février 2022, 8ème dimanche du Temps Ordinaire) de l’Abbé Thierry Delumeau :

« Hypocrite ! Enlève d’abord la poutre de ton œil ; alors tu verras clair pour enlever la paille qui est dans l’œil de ton frère. » (Lc 6,42) dit Jésus. Le message est très clair et il comporte deux paramètres : premièrement, Jésus nous dit qu’on ne peut pas avoir une vision juste des péchés des autres sans d’abord chercher à voir ses propres péchés. Deuxièmement, le péché, le mal, que l’on voit chez l’autre est toujours une paille, en comparaison de notre propre péché, qui, selon les mots de Jésus, est une poutre. Nous allons voir pourquoi il en est ainsi.

Jésus nous demande d’abord de scruter notre coeur avant de commencer de scruter celui de notre frère. Comment puis-je reprocher quelque chose de mal à mon frère si moi-même je ne suis pas un exemple ? De fait, comment puis-je voir clairement le péché de mon frère sans voir le mien ? La réponse de Jésus dans ce passage d’Evangile est sans appel : si je prétends cela, je suis un hypocrite. Effectivement, qui peut prétendre être sans péché ? Saint Jean dans sa première lettre ne dit-il pas : « Si nous disons que nous n’avons pas de péché, nous nous égarons nous-mêmes, et la vérité n’est pas en nous… Si nous disons que nous sommes sans péché, nous faisons de lui (Jésus) un menteur, et sa parole n’est pas en nous. » (1 Jn 1.8.10). On ne peut être plus clair. Ne pas se reconnaître pécheur est soit de l’hypocrisie (le mot est de Jésus lui-même) – si je sais que je suis pécheur, mais que je le cache ou que je veux l’ignorer – ou bien un aveuglement (c’est ce que dit aussi Jésus dans l’Evangile de saint Matthieu : « Si un aveugle guide un aveugle, tous les deux tomberont dans un trou. » (Mt 15,14)) – dans ce cas-là, comment deux aveugles pourraient marcher ensemble (moi-même, qui ne vois pas mon péché, et celui à qui je reproche son péché qu’il ne voit pas) sans tomber dans le trou ? Autrement dit, prétendre être sans péché n’est que de la pure folie et c’est mettre son âme en grand danger spirituel. Que ce soit l’hypocrisie ou l’aveuglement, rien de cela ne peut être bon pour notre vie chrétienne. L’urgence est donc de mettre son coeur sous la lumière de la grâce avant de partir à la quête du péché des autres. De fait, faire la lumière en nous sous le projecteur de la grâce de Dieu, donne la claire vision que sans la grâce, je ne peux rien faire valoir en moi aux yeux de Dieu comme aux yeux de mes frères. La sainteté, et donc le rejet du péché, n’est pas le fruit de mon oeuvre mais bien celui de Dieu en moi. 

Cela nous amène à la deuxième raison que Jésus suggère dans l’Evangile de ce dimanche : la poutre est dans mon oeil, alors que dans l’oeil de mon frère, c’est la paille. Ainsi, si je mets mon âme sous le projecteur de la lumière de la grâce de Dieu, je vais me rendre compte que le mal que je peux reprocher à mon frère est une broutille en comparaison de mon péché que Dieu pourrait me reprocher. Le mal, que l’on me fait, est, autrement dit, peu de chose par rapport à celui que je commets envers Dieu, lui qui est sans mal. Effectivement, le péché a conduit l’homme à faire l’expérience de la mort et de l’inimitié avec Dieu, c’est-à-dire la séparation avec Dieu et donc son éloignement de son coeur. Seule la grâce de la miséricorde divine donnée par Jésus sur la Croix mettra fin à cette tragédie d’une mort éternelle certaine. On pourrait donc dire que s’attaquer à Dieu par notre péché est bien plus grave et lourd de conséquence, puisqu’il engage mon éternité – l’endurcissement dans le péché et le refus de l’accueil de la grâce de la miséricorde divine sont un choix qui engage au terme de la vie la destinée à laquelle l’âme veut se soumettre : la séparation définitive avec Dieu que l’on appelle l’enfer – que tout ce que l’on pourrait reprocher à notre frère, aussi grave soit son péché envers nous, puisqu’envers nous le mal ne sera que temporel. Envers Dieu, bien sûr, c’est une autre chose, qui se règle entre lui et Dieu.

Ces deux raisons nous conduisent à ce constat fort utile pour notre vie chrétienne : si je veux aider quelqu’un à y voir plus clair sur son péché, je dois moi-même humblement me mettre sous la lumière de la miséricorde divine, me reconnaître pécheur et me donner la résolution de vouloir progresser pour vivre l’exigence de l’Evangile. Sans cela, je ne suis pas crédible et je deviens moi-même un contre témoignage, sans parler un sujet de moquerie et de dérision, puisque l’autre ne manquera peut-être pas de me dire : commence par t’appliquer ce que tu me demandes de faire.  

La sagesse des saints, de la Vierge Marie, nous montre que l’on doit toujours chercher à concilier notre coeur avec Dieu, afin qu’en balayant devant notre porte, nous puissions encourager nos frères à en faire de même. L’exemple est souvent  bien plus efficace pour le changement des coeurs que la parole moralisatrice, d’autant plus si celui qui la prononce n’est pas exempt de reproche. Les saints sont les plus efficaces agents du bon Dieu : en ne négligeant pas la propreté de leur âme, ils soignent celle des autres.

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