L’édito de la semaine, le 26 Juin 2022

Commentaire de l’Evangile du Jour (26 Juin 2022 13ème dimanche du Temps Ordinaire, Fête de Saint Maixent) de l’Abbé Thierry Delumeau :

« Quiconque met la main à la charrue, puis regarde en arrière, n’est pas fait pour le royaume de Dieu. » (Lc 9,62). L’exigence de Jésus est grande. C’est incontestable. Dans une société, où l’accent est mis sur le développement personnel de chacun, où le libre arbitre est confondu avec la liberté, où les renoncements, les engagements et les devoirs n’ont pas le vent en poupe, mais plutôt la mise en avant de la revendication des droits, l’ère du temps semble être à contre-courant du message du Christ. L’écart semble tellement grand, qu’il parait tout simplement insurmontable, impossible à endiguer, au point que beaucoup semblent penser que l’Evangile, l’enseignement de Jésus, doit s’adapter à la mentalité de nos contemporains. Beaucoup pensent qu’il faut le rendre plus attrayant, plus digeste, plus acceptable pour les hommes d’aujourd’hui, épris de liberté et allergiques à toute forme d’autorité, d’autant plus que celle au sein de l’Eglise est sérieusement ébranlée, avec les différentes crises de ces dernières décennies qui n’ont rien arrangé, bien au contraire. Si l’Evangile était une simple ligne de conduite, ou bien encore si l’enseignement de Jésus concernait principalement la justice sociale, le bien à faire en ce monde, le soin des plus pauvres ou le respect de la création, toute chose bonne par ailleurs, de fait, on peut penser légitimement qu’il devrait s’adapter pour être au service de ces réalités temporelles, lesquelles sont forcément changeantes, bien que des constances soient de mise. Telles sont d’ailleurs les missions du social et de la politique, qui ont le devoir de servir le bien commun. Or, l’Evangile, l’enseignement de Jésus, ne vise pas principalement ces réalités temporelles, mais bien plutôt les réalités spirituelles, éternelles, qui, elles, ne sont pas sujet à discussion, puisqu’elles font l’objet de la Révélation divine. Alors, cela veut-il dire que Jésus, l’Evangile, ne s’intéresse pas au quotidien des gens ? Cela voudrait-il dire qu’il faut obéir (au sens courant du mot) sans avoir à réfléchir ? Non, bien sûr que non ! On ne peut, en permanence, opposer deux types de réalités constitutives de l’humanité dans une dialectique manichéenne comme trop souvent le marxisme nous y a habitués, sans finalement conduire l’homme, tantôt à être un pur esprit déconnecté du réel, tantôt à être un animal sans esprit ne vivant que pour satisfaire ses moindres appétits sensibles en tout genre. La vérité, c’est que l’homme est un esprit incarné, autrement dit un être spirituel de chair et d’os. Or, les sens, le corps de l’homme, sont au service de son esprit et non l’inverse, ce qui a pour conséquence que tout ce qui touche à sa vie terrestre n’a qu’un but de l’aider à grandir dans sa vie spirituelle. La vie spirituelle n’est donc pas une option de la vie de l’homme, c’est son essence même, son être même, ce qui donne sens à ce qu’il vit chaque jour. Pour illustrer notre propos, prenons un exemple dans la vie des saints, lesquels ne manquent jamais de vivre l’Evangile au quotidien. Sainte mère Térésa, qui toute sa vie s’est occupée des pauvres, donne la raison de son action auprès des plus pauvres : « Nous devons aimer les pauvres parce que Jésus se cache sous l’apparence des pauvres… C’est en revêtant le Christ que l’on peut le plus apporter de charité aux autres… Ce qui compte ce n’est pas ce que l’on donne, mais l’amour avec lequel on donne… Le manque d’amour est la plus grande pauvreté… La plus grande souffrance est de se sentir seul, sans amour, abandonné de tous. » Autrement dit, c’est Jésus, qui donne sens à son quotidien et non l’inverse. Elle cherche Jésus à travers les pauvres et c’est ainsi qu’elle peut vraiment les aimer en se donnant à eux, car elle se donne à Jésus à travers eux. Elle cherche Jésus car elle aime Jésus et en aimant Jésus, elle aime les pauvres, car c’est Jésus qui se dévoile sous l’apparence des pauvres. Tout son quotidien est porté de la sorte. Ainsi, l’Evangile, l’exigence de Jésus, pour mère Térésa ne demande pas d’adaptation au monde, c’est son coeur qui ne demande qu’à s’adapter au coeur de Jésus pour découvrir ce qui se cache au fond de son coeur assoiffé de Dieu, qui n’est qu’amour et qui ne cesse de vouloir le remplir de son amour. Elle dit, à ce propos, que le péché est un vrai frein et qu’il empêche Dieu de déverser son amour dans le coeur des hommes : « Si nous sommes pleins du péché, Dieu ne peut nous remplir, car Dieu lui-même ne peut remplir ce qui est plein. Voilà pourquoi nous avons besoin du pardon : nous nous vidons, et Dieu nous remplit de lui-même. » C’est la marque des saints : tout est équilibré en eux, car tout est bien posé, hiérarchisé dans leur vie : il y a l’absolu qui donne sens à tout ce qu’ils vivent.

Un grand saint de notre chère ville, saint Maixent, que nous fêtons aujourd’hui, a choisi le retrait du cloître pour cultiver au fond de son coeur l’amour de Dieu qui l’a saisi. L’attrait du silence ne l’a pas éloigné des intérêts de ses contemporains. Alors que les Visigoths déferlent dans la région, faisant trembler la terre du Poitou par le bruit des armes, saint Maixent va à leur rencontre et lorsque l’un des soldats s’apprête à lui trancher la tête avec son épée, celui-ci lui paralyse le bras en arrière, avant de le lui rendre l’usage quelques instants plus tard. En conséquence, terrifiés, les envahisseurs se retirèrent de cette terre, grâce à l’intervention de ce saint, épris de Dieu, qui a fait taire le bruit des armes et repoussé le danger désastreux d’une telle invasion. Clovis, roi des francs, viendra, en personne, remercier le saint de son action. 

La Vierge Marie, par sa vie, est le plus bel exemple : une vie sainte peut avoir un impact énorme sur la vie de ses frères. En répondant à l’appel de Dieu, le jour de l’Annonciation, tout fut ordonné selon la volonté de Dieu pour que la vie de tous les hommes puisse passer du désespoir de l’enfer dans lequel le péché les avait conduit à l’espérance du ciel, que la liberté retrouvée des enfants de Dieu, leur donne de goûter pour l’éternité.

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