L’édito de la semaine, le 19 Mars 2023

Commentaire de l’Evangile du Jour (19 Mars 2023 4ème dimanche de Carême) de l’Abbé Thierry Delumeau :

« Je suis venu en ce monde pour rendre un jugement : que ceux qui ne voient pas puissent voir, et que ceux qui voient deviennent aveugles. » (Jn 9,39). Cela peut paraître surprenant cette affirmation de Jésus, mais l’aveuglement des pharisiens est telle que même l’absurdité de leur propos ne leur saute pas aux yeux : « Cet homme-là n’est pas de Dieu, puisqu’il n’observe pas le repos du sabbat. » (Jn 9,16), contrairement à celui de l’aveugle-né qui leur oppose une réponse pleine de bon sens : « Dieu, nous le savons, n’exauce pas les pécheurs, mais si quelqu’un l’honore et fait sa volonté, il l’exauce. Jamais encore on n’avait entendu dire que quelqu’un ait ouvert les yeux à un aveugle de naissance. Si lui n’était pas de Dieu, il ne pourrait rien faire. » (Jn 9,31-33). Or, même devant une telle évidence, rien n’y fait, même pas un doute ne surgit de leur pensée bien arrêtée. Leur coeur est absolument verrouillé. Quant à l’aveugle-né guéri de sa cécité, il va confesser pleinement la foi : « Je crois, Seigneur ! » Et il se prosterna devant lui. » (Jn 9,38). De fait, nous avons là des gens qui voient, devenir aveugles et ceux qui ne voyaient pas, voir. Et là, il ne s’agit plus seulement de la vision des yeux de la chair, mais bien ceux de la foi, la raison première pour laquelle Jésus a opéré ce miracle. Comme il le dit à ses disciples, cet homme est aveugle de naissance « pour que les œuvres de Dieu se manifestent en lui. » (Jn 9,3). Jésus est « la lumière du monde. » (Jn 9,5). Il vient éclairer les ténèbres de nos coeurs, et ainsi donner la vision de nos péchés pour que nous puissions confesser la foi, comme l’aveugle-né qui après avoir vu les merveilles de Dieu opérer en lui, l’amène à professer la foi et se prosterner devant le Fils de Dieu. Si je ne vois pas ou je ne veux pas voir la présence agissante de Dieu dans ma vie, je ne peux pas voir le salut s’opérer en moi, car mon coeur n’est pas saisi et ne se laisse pas saisir par la lumière de Dieu. Or, Dieu agit toujours pour le bien de ceux qui mettent leur confiance en lui, même si parfois cela passe par de grandes épreuves. Ce n’est pas Dieu, qui ne veut pas, c’est notre coeur qui ne répond pas aux sollicitations de l’Esprit Saint. Combien de saints n’ont-ils pas vécu de grandes souffrances ou épreuves, tout en gardant héroïquement une foi inébranlable ? A commencer par la Vierge Marie, qui, au pied de la Croix, a connu une telle épreuve que les affres de l’enfer semblaient s’abattre dans son coeur mis à nu par un glaive qui le traversa d’une acuité telle, dont personne ne peut rivaliser en intensité de douleur et de souffrance. C’est un mystère ineffable, que la raison, à elle seule, ne peut pleinement sonder. Ce mystère fut prophétisé par Syméon lors de la présentation de Jésus au Temple (cf. Lc 2,35). Aussi, l’homme moderne, comme le pharisien du temps de Jésus, qui désire voir et avoir des preuves pour accorder sa confiance, a bien du mal à soumettre son intelligence et sa volonté à Dieu qui se révèle à lui, et pourtant l’acte de foi n’est pas autre chose que de soumettre son intelligence et sa volonté à Dieu. C’est pourquoi Jésus répond à ces hommes si sûrs d’eux, tout comme le il le fait à celui d’aujourd’hui vivant comme si Dieu n’existait pas dans sa vie : « Si vous étiez aveugles, vous n’auriez pas de péché ; mais du moment que vous dites : “Nous voyons !”, votre péché demeure. » (Jn 9,41). L’orgueil est bien le vice qui empêche l’action de Dieu et qui la rend inopérante. Les pharisiens en sont la triste illustration. En ce temps de Carême, temps privilégié de la conversion, n’hésitons pas à mettre notre coeur sous la lumière de Dieu, avec le sacrement que Jésus a précisément institué pour dispenser à profusion les lumières de sa miséricorde. Il donne de gouter et de faire l’expérience de la richesse du plus grand don que Dieu puisse déverser dans les coeurs : la miséricorde divine. Rien de plus grand ne peut exister, car rien n’est plus grand que d’aimer en pardonnant. C’est le paradoxe du dessein divin, qui malgré la contrariété du péché, a permis à Dieu de montrer au monde le puits sans fond d’un amour pour sa créature qui n’a aucune limite dans son intention, mais qui dans sa réalisation peut être mis en échec par un coeur obstiné et orgueilleux.  

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