L’édito de la semaine, le 12 Mars 2023

Commentaire de l’Evangile du Jour (12 Mars 2023, 3ème dimanche de Carême) de l’Abbé Thierry Delumeau :

« Si tu savais le don de Dieu et qui est celui qui te dit : ‘Donne-moi à boire’, c’est toi qui lui aurais demandé, et il t’aurait donné de l’eau vive. » (Jn 4,10) dit Jésus à la Samaritaine. Elle ne mesure pas bien ce que Jésus lui dit. Elle lui parle de l’eau du puits, mais lui, parle de l’eau vive. Elle lui parle de la soif du corps, mais Jésus veut l’amener à considérer une autre soif, celle de son âme. Elle lui parle d’une eau qu’il faut chaque jour venir puiser pour étancher un corps qui ne sera jamais rassasié, mais il lui parle d’une eau qui ne cessera de rassasier la soif de son âme. Elle lui parle de l’eau de ce temps, celle qui permet la vie sur terre, mais il lui parle d’une eau qui devient source jaillissante de la vie éternelle : « Quiconque boit de cette eau aura de nouveau soif ; mais celui qui boira de l’eau que moi je lui donnerai n’aura plus jamais soif ; et l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d’eau jaillissant pour la vie éternelle. » (Jn 4,13-14). Aussi, c’est par cette soif du corps que Jésus amène progressivement la Samaritaine à chercher Celui que son âme appelle, jusqu’à lui révéler, et elle est même la première à qui Jésus révèle, qu’il est le Messie, Celui que les juifs attendent : « Je le suis, moi qui te parle. » (Jn 4,26). Or, les samaritains n’ont rien à faire avec les juifs. Les premiers adorent Dieu sur une montagne, les seconds adorent Dieu à Jérusalem et, comme le dit Jésus, c’est par les juifs que vient le salut : « Vous, vous adorez ce que vous ne connaissez pas ; nous, nous adorons ce que nous connaissons, car le salut vient des Juifs. » (Jn 4,22). Autrement dit, la Samaritaine sans mari, est l’image de l’homme qui ne connait pas son Dieu, l’âme qui ne connait pas son époux. Ainsi, en lui révélant la quête de son âme, Jésus lui révèle qu’il est Celui que son âme cherche sans connaître. Néanmoins, les disciples, bien que juifs, sont tout aussi ignorants de Celui qui leur parle. Ils connaissent Dieu par les Ecritures et les prophètes, mais l’ignorent au fond de leur coeur, affamés d’une nourriture qu’ils ne connaissent toujours pas : « Pour moi, j’ai de quoi manger : c’est une nourriture que vous ne connaissez pas. » ( Jn 4,32). Or, la nourriture dont Jésus leur parle, il en donne précisément le menu : « Ma nourriture, c’est de faire la volonté de Celui qui m’a envoyé et d’accomplir son œuvre. » (Jn 4,34). Il n’y a plus de doute, nous avons soif de Celui que nous ne connaissons pas, Celui qui se révèle comme notre Dieu, Celui qui nous révèle le Père, Celui qui se fait nourriture pour nous, afin que notre chemin de pèlerinage sur terre nous donne part à Celui qui s’est fait Pain de vie et Source d’eau vive. Ainsi, par la soif et la faim du corps, Jésus amène chacun de ceux qui le côtoient à pénétrer dans l’épaisseur du mystère que notre intelligence cherche à connaître avec l’aide de la foi et que notre volonté, soutenue par la grâce, embrasse. Quel mystère !!! Dieu est nourriture et breuvage ! Avons-nous faim et soif de Dieu ? Ou plutôt, prenons-nous conscience que notre âme a faim et soif de Celui qui est l’absolu, Celui qui seul peut rassasier et combler la quête de plénitude et d’infinitude dont notre âme est dotée ? Rien ici-bas, ne peut donner une telle nourriture et breuvage à une âme en quête d’absolu et d’éternité, puisque rien, ici-bas, de ce qui est créé ne peut être absolu et éternel. Dieu seul l’est, puisque lui seul n’est pas créé, et donc sans commencement et fin. Le paradoxe, c’est qu’une créature comme l’ange et l’homme, bien que finie et créée, est dotée d’une capacité d’aspirer à une vie d’absolu et d’éternité. Cela, Dieu, l’a voulu pour le plus grand bonheur de l’ange et de l’homme, de sorte que les deux créatures spirituelles ne vivent plus par et pour elles-mêmes, mais bien par et pour Dieu, puisqu’en Dieu seul peut exister la perfection du bonheur. Ainsi, contrairement à l’esprit de ce monde qui pousse l’homme à s’émanciper de Dieu pour trouver son propre bonheur, il ne peut que trouver son malheur, alors qu’en se jetant dans les bras de Dieu, il comble sa soif d’absolu et d’éternité.

La Vierge Marie et les saints l’ont bien compris et c’est pourquoi ils n’ont cessé de chercher Dieu. Saint Benoît, le père des moines d’Occident, dans sa règle monastique, en a le fait le fil rouge conducteur, de telle sorte que tout ce qui s’en éloigne ne peut que causer le malheur de l’homme, alors que tout ce qui y conduit donne les prémices d’éternité. Quelle que que soit notre vocation, nous pouvons la faire nôtre, sûrs qu’en cherchant Dieu en toute chose, nous cherchons ce que nous sommes et ce que notre quête d’homme a de plus profond aux tréfonds de notre âme.

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