Commentaire de l’Evangile du Jour (12 Juin 2022 Sainte Trinité) de l’Abbé Thierry Delumeau :
« Tout ce que possède le Père est à moi ; voilà pourquoi je vous ai dit : L’Esprit reçoit ce qui vient de moi pour vous le faire connaître. » (Jn 16,15). En ce dimanche de la Très Sainte Trinité, Jésus nous livre dans l’Evangile l’intimité qu’il partage avec le Père et le Saint Esprit. C’est le plus grand mystère qui soit, puisqu’il touche non pas ce que Dieu a fait, a créé, mais Dieu lui-même. Comment concevoir un seul Dieu, autrement dit un seul être, en trois personnes bien distinctes ? Le Père est Dieu, le Fils est Dieu, le Saint Esprit est Dieu et pourtant le Père n’est pas le Fils, qui n’est pas le saint Esprit ? Cela demeure incompréhensible pour notre intelligence. D’ailleurs, si nous comprenions pleinement Dieu, nous serions Dieu, et comme il est évident que nous ne le sommes pas, le mystère de Dieu restera toujours quelque peu obscur pour notre intelligence, tant Dieu dépasse tout ce que le créé peut nous révéler de la grandeur du Créateur. Alors, peut-on dire quelque chose de juste, de vrai, de la Sainte Trinité sans tomber dans l’erreur ? Oui, bien sûr. On peut déjà commencer par dire que l’on sait plus ce que Dieu n’est pas que ce qu’il est, puisque nos mots sont plus adaptés pour qualifier, pour exprimer, le créé, fruit de notre observation, que de décrire le Créateur que nos sens ne peuvent connaître. On peut, cependant, aller encore plus loin. Dieu est un et il ne peut y avoir plusieurs dieux car Dieu est absolu. On peut dire qu’il est la plénitude de la perfection. On peut dire que toutes les perfections divines ne sont pas des qualités comme cela pourrait l’être pour les créatures. Par exemple, quand on dit que quelqu’un est puissant, il participe à une certaine puissance, il n’est pas la puissance même. Or, pour Dieu, on ne peut pas dire la même chose. On dira plutôt qu’il est la puissance même, au point que tout ce qu’on peut dire de Dieu n’est propre qu’à Dieu, ce qui veut dire qu’il est forcément un, puisque toute perfection est son être même. Il est celui qui ne peut pas ne pas être. Tout le reste, les êtres autres que Dieu ont été créés, et donc, ils auraient pu ne pas être, puisqu’avant l’acte créateur, rien n’existait sinon Dieu seul. Dieu est donc éternel, le seul au sens strict, car lui seul n’a pas de commencement, ce qui est proprement vertigineux pour notre esprit qui ne peut concevoir un être sans commencement et sans fin. Alors, comment comprendre que ce Dieu unique peut être trois personnes bien distinctes entre elles ? De fait, le Père n’est pas le Fils, ni le Saint Esprit. Sur quoi peut-on les distinguer, puisqu’ils sont le même être ? Y aurait-il autre chose qui les distingue que l’être, ce en quoi nous distinguons les choses ? Une personne humaine se distingue, pour chacun d’entre nous, d’une autre personne humaine, parce que ce sont deux êtres différents. Or, pour Dieu, ce n’est pas le cas. La distinction ne se fait donc pas au niveau de l’être, mais bien ce qui caractérise la personne, à savoir la relation qu’elle entretient avec les autres personnes. Effectivement, le Père engendre le Fils, alors que le Fils est engendré par le Père et ce dans un présent éternel, de telle sorte que le Père ne précède pas le Fils, tout comme le Fils ne précède pas le Saint Esprit, qui lui procède du Père et du Fils. Il n’y a pas de temps en Dieu. Il n’y a donc pas Dieu qui deviendrait Dieu. Dieu est Dieu Trinité et ce il l’a toujours été et le sera toujours dans un présent éternel, ce qui veut dire que le Fils, comme le Saint Esprit n’ont jamais eu de commencement tout comme le Père. Ainsi, ce qui distingue les personnes divines entre elles, ce sont les relations qu’elles entretiennent entre elles. Ces relations, comme toute relation entre des personnes humaines, sont, bien sûr, la marque même de l’amour : se donner et se recevoir sont l’expression même de l’amour. Jésus n’a t-il pas dit : « Qu’il n’y a pas de plus grand amour que de DONNER sa vie pour ceux qu’on aime » (Jn) ? Aussi, « Tout ce que possède le Père est à moi » (Jn), ce qui veut dire que le Fils RECOIT tout ce que le Père possède. De même, « L’Esprit reçoit ce qui vient de moi pour vous le faire connaître. » (Jn 16,15). Dieu Trinité est amour en lui-même, puisqu’il y a un incessant échange de don et de réception de don entre les trois personnes divines. On pourrait même dire, avec une certaine audace, que Dieu est, il existe, parce qu’il est Trinité, puisqu’il est l’amour même. De fait, rien n’existe sans amour. C’est l’amour qui a conduit Dieu à créer ce monde. Ainsi toute réalité créée existe parce qu’elle est aimée de Dieu. De même, en lui-même, l’amour en Dieu est sa propre source d’existence, puisqu’il est son être même. Autrement dit, si Dieu n’était pas l’amour même, donc impersonnel et non Trinité, il ne pourrait tout simplement pas exister, car rien n’existe sans amour. Si Dieu est l’amour même et donc sa propre source d’existence, il est donc assez compréhensible que c’est par amour qu’il crée des êtres qui ne sont pas lui. Aussi, c’est par amour que Dieu a créé l’homme à son image et ressemblance, appelé à partager son éternité, c’est donc par le refus d’amour que l’homme a connu sa propre chute et c’est ainsi par une surabondance d’amour que Dieu, dans le mystère de l’Incarnation-Rédemption (Dieu fait homme en Jésus, mort sur la Croix et ressuscité d’entre les morts), a sauvé l’homme de la mort pour lui donner d’avoir part à son éternité.
Ce grand mystère révélé par Jésus dans l’Evangile nous est donné à contempler, comme les saints, et tout particulièrement la Vierge Marie, n’ont cessé de le faire en se laissant porter par la grâce. Ils brulaient du feu divin pour désirer ardemment voir l’Invisible qu’est Dieu. Demandons dans notre prière, que nous puissions avoir ce désir enflammé de contempler celui qui se laisse toucher par les coeurs pétris de foi, d’espérance et de charité.