L’édito de la semaine, le 12 Février 2023

Commentaire de l’Evangile du Jour (12 Février 2023, 6ème dimanche du Temps Ordinaire) de l’Abbé Thierry Delumeau :

« Que votre parole soit ‘oui’, si c’est ‘oui’, ‘non’, si c’est ‘non’. Ce qui est en plus vient du Mauvais. » (Mt 5,37). Jésus n’aime pas les demi-mesures, mais bien la fermeté des actes. Il n’aime pas les compromissions mais bien l’intransigeance et la rectitude des propos et des actes. Il n’aime pas le péché, mais bien le zèle et l’ardeur pour faire le bien. De fait, il ne demande pas seulement de ne pas commettre tel ou tel péché, mais aussi de chasser tout ce qui y conduit. Avant même que le péché soit commis, il germe et prend racine dans le coeur qui ne met pas la vigilance en éveil, qui se détourne de l’exigence de l’amour de Dieu. Effectivement, tout est une question d’amour et non pas d’application d’une simple loi, comme le vivaient les pharisiens et les docteurs de la loi, dont leur religion ressemblait plus à un code de bonne conduite, bien loin d’une rectitude de coeur. Si Jésus les traite d’hypocrites, c’est que les coeurs et les actes ne sont pas bien unifiés. Tout est dans l’apparence et ainsi ils pensent s’en tirer à bon compte. L’amour de Dieu exige la radicalité, le don de toute une vie, fondée sur la confiance et l’abandon dans le coeur si miséricordieux de Dieu. La religion pour Jésus ne peut se résumer à une morale, à une méthode ou des pratiques de vie selon un code déterminé par Dieu. Non, la vie chrétienne, à laquelle Jésus appelle, demande bien plus, car elle ne donne pas moins que Dieu lui-même. Il ne s’agit pas d’avoir une bonne récompense pour bonne conduite, il s’agit de partager l’existence de Dieu, de vivre ce que Dieu vit, autrement dit d’entrer dans le sein de la Sainte Trinité ou plutôt de laisser Dieu vivre en moi. Un tel destin ne peut pas se contenter d’à peu près ; il ne peut qu’exiger un « oui » radical, ne pouvant souffrir d’aucun « non ». Si l’on ne prend pas en compte cette vie divine dans le coeur du fidèle, à laquelle Jésus nous invite, alors on ne peut pas comprendre la radicalité des propos de Jésus. Tout au plus, verra-t-on une exagération, un intégrisme, un embrigadement, un sectarisme néfaste pour la liberté humaine. Or, c’est tout le contraire : Dieu n’impose pas, il propose. Il n’enrôle pas une liberté qui se verrait tout à coup privée de jugement et de discernement, comme s’il voulait réduire l’homme à un esclave où bien le manipuler pour l’amener là où il ne l’aurait pas souhaité. Bien au contraire, Dieu demande à chaque instant l’exercice de la liberté et c’est précisément une nécessité pour que son action puisse avoir lieu dans l’âme du fidèle, puisque l’enjeu n’est autre que de devenir Dieu avec sa grâce. Ce n’est donc pas pour être un pantin, mais bien Dieu en Dieu, c’est-à-dire fils adoptif du Père dans le Fils, qui, par le sacrifice de la Croix a justifié l’homme et lui a fait miséricorde. L’impensable, l’inimaginable, ce qu’aucun homme n’avait pu, ne serait-ce qu’un instant, rêvé, Dieu l’a réalisé : vouloir que sa créature, bien que déchue par le péché, puisse être relevée et « propulsée » à la hauteur insoupçonnée de la vie même de Dieu. Pour cela, Jésus, dans son sacrifice, homme parmi les hommes, dans un acte libre et radical, n’a cherché que la volonté du Père, malgré l’effroyable souffrance du sacrifice : « Père, si tu le veux, éloigne de moi cette coupe ; cependant, que soit faite non pas ma volonté, mais la tienne. » (Lc 22,42).

Les saints, la Vierge Marie, en ont une telle acuité de cette vérité qu’ils sont les plus libres des hommes, les plus heureux, malgré souvent de grandes souffrances, qui ne peuvent ternir ce bonheur d’être habité par une telle présence que pour rien au monde ils ne pourraient y renoncer. Une fois de plus, tout se passe à l’intérieur des coeurs, c’est là que Dieu aime agir, qu’il se délecte en mangeant d’amour à la table des hommes, si l’on peut s’exprimer de la sorte. Oui, heureux sommes-nous d’être invités au festin des noces de l’Agneau, puisque l’Agneau s’est laissé conduire à la Croix en sacrifice pour que nous puissions vivre éternellement les félicités de Dieu. Le ciel est une chose trop sérieuse pour que l’homme puisse le gravir à la force du poignet. Il n’en est tout bonnement incapable, mais avec la grâce de Dieu, ce qui est impossible à l’homme, devient possible pour Dieu.

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